Elevage laitier aux Pays-Bas La productivité de la main d’œuvre : une obsession (partie ½)
L’an dernier, 42 éleveurs d’Alsace, de Lorraine et de Rhône-Alpes qui participent au groupe €colait avec le Btpl, ont séjourné au nord des Pays-Bas, en Frise dans le secteur de Groningen et Leeuwarden. Ils sont partis à la rencontre de deux élevages de plus de 200 vaches. Croissance volontariste du secteur laitier pour l'export, endettement, implication dans la filière et nuits courtes font partie du quotidien des éleveurs laitiers hollandais.
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« Produisez du lait et Friesland Campina, la première coopérative laitière européenne, collectant 85 % des producteurs hollandais, se chargera de commercialiser votre lait » : voilà le message. No limit ? Apparemment. La filière laitière néerlandaise compte sur une perspective de croissance de la production comprise entre 10 et 20 %.
Les Pays-Bas misent sur l’export : 60 % de la production laitière sort des frontières. Les producteurs ont retenu comme mot d’ordre : croissez si vous voulez croître. Pour autant, l’achat de quotas n’est dorénavant plus jugé rentable avant leur fin imminente en 2015. En effet, un des éleveurs rencontrés a acheté l’an dernier 200.000 l à 50 cts/kg (et jusqu’à 2 €/kg il y a quelques années) mais ne renouvellera plus cet achat.
Reformer peu pour croitre
Les deux élevages visités par le groupe €colait de l’Est produisent 2.5 millions de litres et 2 millions avec respectivement 140 ha et 284 vaches, et 90 ha et 210 vaches. Très impliqués dans le fonctionnement de leur laiterie, les éleveurs possèdent de l’ordre de 100 €/Ml de parts sociales.
Dans ces élevages, le développement de la production laitière se réalise par croissance interne. Le taux de réforme s’élève à 20 % tandis que le taux de renouvellement avoisine les 32 %. L’un des éleveurs interrogés envisage d’investir dans une nouvelle stabulation (900.000 €) permettant d’accueillir 200 vaches.
Pour réaliser leur développement, les deux éleveurs rencontrés ont affirmé dormir entre 4 et 6 heures. Un des deux délègue la traite à un service de trayeurs tiers (une trayeuse dans une 2 x 12 épi sortie rapide), le second a embauché un salarié qui fait une traite sur deux dans un roto 40 places. La surveillance, le suivi et le soin aux animaux ne sont pas délégués : ils « sont dans leurs vaches », leur cœur de métier, pour identifier les événements du troupeau et pouvoir intervenir rapidement.
Des annuités sur 20 ans
Les annuités des deux élevages se situent à 130 €/Ml pour l’un et à 180 €/Ml pour l’autre sur 20 ans, avec des taux d’intérêt entre 1 et 4 %. Des niveaux d’annuités élevés mais que l’on peut aussi rencontrer dans nos régions. Par contre, les remboursements d’annuités s'effectuent sur une période plus longue que chez nous. On ne tient ici compte que des investissements relatifs au lait mais ils représentent l’essentiel, tant le parc de matériel est réduit grâce à la délégation des travaux de culture. Les terres (35.000 à 80.000 €/ha selon les régions) sont la principale garantie du banquier.
Des bâtiments typiques avec leurs contraintes
Les pentes des toitures dépassent nos 26 % classiques. Pour mieux ventiler ? En partie. La vraie explication réside dans les contraintes architecturales imposées aux éleveurs. L’obtention d’un permis de construire demande, comme chez nous, de la patience pour monter le dossier administratif. L’implantation d’un bâtiment par rapport à ceux qui existent n’est pas complètement libre : il peut être exigé que la faîtière du bâtiment en projet soit alignée avec celle des bâtiments existants, sans tenir compte de la fonctionnalité quotidienne de l’étable.
Les bâtiments sont largement ouverts des deux côtés avec des longs pans à rideaux ou brise-vent modulables. La ventilation se fait donc beaucoup en travers du bâtiment. Cela n’empêche pas d’avoir des faîtières pare-vent largement ouvertes avec, 1.5 m en-dessous, des chenaux à l’intérieur du bâtiment pour récupérer la pluie.
Optimisation des surfaces !
Logettes étroites (1.15 m), courtes (2.4 m en face à face), avec un limiteur au sol (à 1.85 m du seuil arrière) et une barre au garrot haute (1.25 m), paille hachée court sur les tapis, couloirs de circulation (trop) étroits, caillebotis y compris pour des très petites génisses. Seuls les veaux non sevrés, les vaches malades et celles prêtes à vêler ont droit aux box paillés : bref, nous avons vu le logement typique des vaches hollandaises. Quoique. Les recherches et constructions en cours remettent en question ce modèle. Ces trois dernières années, la part de couloirs raclés (donc sans caillebotis) est en augmentation.
300 à 400 unités d’N/ha
Les élevages visités produisent en moyenne 8.800 l/VL (284 vaches sur 140 ha) et 9.500 l/VL (210 vaches sur 90 ha) et n’hésitent pas à repousser les limites des règles environnementales. La pression d’azote (exprimée avec nos critères), avant exportation d’effluents, est respectivement d’environ 341 unités/ha et 318 unités/ha d’azote d’origine organique.
Pour mémoire, en zone vulnérable française, le seuil à ne pas dépasser se situe à 170 unités d’azote d’origine organique par ha de Sau alors que 95 % des élevages hollandais disposent d’une dérogation à 250 unités d’azote par ha, à condition que les prairies représentent plus de 70 % de la surface épandable.
4 €/m3 de lisier exporté
Il y a trop d’effluents pour le pays et pourtant le manque de surface ne pose pas de problème pour les deux éleveurs. L’excédent d’effluents est davantage problématique dans le sud du pays que le nord. Pour produire plus de lait alors que leurs surfaces d’épandage sont insuffisantes, la réponse des éleveurs est simple : je vends une partie de mon lisier aux céréaliers de mon secteur. Il existe un marché des effluents dont le prix varie. Actuellement il en coûte à l’éleveur 4 €/m3 de lisier exporté (par le passé, ce coût est déjà monté à 12 €/m3).
+ 200 unités/ha d’azote minéral
Par ailleurs, des travaux sont menés sur l’efficacité alimentaire des minéraux et on voit apparaître des produits qui réduisent les teneurs des lisiers. Les prairies sont fauchées quatre à cinq fois, reçoivent 200 unités d’azote minéral et 190 unités organiques par ha soit un total de 390 unités d’azote par ha. Ce chiffre élevé correspond pourtant à une fertilisation plutôt équilibrée avec un rendement des prairies de 15 t de MS et en comptant un besoin de 30 unités d’azote/t de MS (15 t de MS x 30 unités/t de MS = 450 unités d’azote). Ces prairies temporaires productives sont renouvelées tous les 10 ans.
Jusqu’à 10 kg/VL de concentré de production
Les systèmes laitiers sont efficaces à la surface : les niveaux de chargement dépassent les 2 Ugb/ha (2.88 et 3.22 Ugb/ha) avec une majorité de prairies (respectivement 72 et 77 % de la Sfp totale de l’exploitation) et des achats de maïs ensilage en complément. Aux Pays-Bas, la consommation quotidienne de concentré peut atteindre 10 kg/VL/jour pour les plus fortes productrices avec des niveaux de consommation annuels par vache compris entre 2 et 3 tonnes de concentrés. Mais, étant donné la part d’herbe dans les rations, les concentrés ont principalement la forme de production et non de correcteurs.
La productivité de la main d’oeuvre : une obsession
C’est toujours en ayant la productivité de la main d’œuvre en tête que les éleveurs choisissent leurs projets d’investissement. Les deux élevages fonctionnent avec 3.3 Umo (Unité de Main d’œuvre) et 2 Umo soit 114 VL/Umo et 105 VL/Umo ou encore 980.000 litres/Umo et 760.000 litres/Umo ce qui correspond à une productivité de la main d’œuvre élevée.
Ceci est rendu possible par l’organisation de la circulation des animaux, par la proximité des silos, par les automatismes (Dal, Dac, robot distributeur de fourrages, robot racleur, …), par la délégation des travaux de culture et par la délégation de la traite en partie ou complètement. Ainsi les éleveurs sont « dans leur vaches », leur gagne-pain et pas sur les tracteurs en culture.
Même l’alimentation se robotise
La robotisation de l'alimentation est un choix pour augmenter la productivité par personne. Un automate sur rail distribue une ration mélangée adaptée au niveau de production quatre fois par jour en général et huit fois par jour pour le lot des vaches les plus productives. En 30 minutes/jour, l’éleveur a rempli au tractopelle les trémies avec les ingrédients de la ration (40 % de maïs, 60 % d’herbe + coproduits secs et concentrés) pour nourrir ainsi 210 vaches, soit 8 secondes par vache/j.
Il ajuste les quantités quotidiennement et vise zéro refus. Du concentré de production est distribué en salle de traite. En moyenne, l’installation se met en alarme deux fois/semaine : le problème se règle par Sms une fois sur deux ; et sinon nécessite un déplacement pour des pannes qui restent mineures (vache dans le couloir d’alimentation empêchant l’automate de circuler…).
En plus d’un investissement global pour les deux étables les plus récentes de 6.000 €/VL (à un moment où les prix des équipements étaient faibles) comprenant, charpentes, fosses, roto et 4 Dac (pour taries et hautes productrices) pour 300.000 €, l’équipement pour l’alimentation automatisée a coûté 200.000 € (hors rails métalliques comptés dans les 6.000 €).
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