Crise de l'œuf Les éleveurs préviennent : la guerre des œufs va continuer
Quelque 140.000 œufs ont été détruits vendredi soir à Saint-Brieuc (Côtes d'Armor), lors d'une nouvelle action de producteurs en colère qui réclament des mesures d'urgence pour faire remonter les cours, au risque de radicaliser leurs actions.
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Réunis au sein d'un collectif informel, ces producteurs, qui ne se revendiquent d'aucune organisation syndicale, ont cassé trois jours de suite des centaines de milliers d'œufs, ce qui a heurté le sentiment public devant un tel gâchis.
Après Ploumagoar (Côtes d'Armor) mardi et Carhaix (Finistère) mercredi, ils avaient de nouveau détruit quelque 100.000 œufs jeudi soir à Morlaix (Finistère), donnant 5.000 œufs aux Restos du Coeur pour calmer les esprits.
Vendredi soir, le collectif, qui réunit une vingtaine de producteurs, élevant un total de 2 millions de poules, a pris pour cible la Mutuelle sociale agricole devant laquelle environ « 140.000 œufs » ont été détruits, selon un représentant de la trentaine de producteurs présents, a constaté une vidéaste de l'AFP. « C'est la détresse. Il y en a qui vont devoir peut-être mettre la clé sous la porte dès demain parce qu'on est dans le pic des bas prix », a-t-il confié, sous couvert d'anonymat.
Le collectif dénonce la situation de surproduction d'œufs en France et en Europe, qui fait chuter les cours. « Aujourd'hui, j'ai vendu 110.000 œufs 4,30 euros les cent, soit 2,70 euros en dessous du prix de revient », avait regretté dans la journée Nicolas, un membre du collectif souhaitant rester anonyme. « Je n'ai même pas pu vendre au prix du marché tellement il est encombré ». « Nos exploitations sont dans une situation financière très grave », avait témoigné le producteur, pour qui la solution à court terme passe soit par la destruction d'œufs, soit par l'abattage de pondeuses.
« On demande à ce que 5 % de la production française dégage hors d'Europe pour faire remonter les cours », a expliqué Stéphanie Jestin, productrice dans le Finistère avec 140.000 pondeuses. Pour elle, c'est aux organisations de producteurs (OP) de s'organiser pour résoudre la crise. « On attend la réponse des organisations de producteurs, et de l'Etat, car il faudrait un médiateur pour surveiller les mesures qui seront prises ».
Juguler la production, sans détruire
Vendredi soir, le ministère de l'Agriculture a souhaité apaiser les esprits en annonçant l'organisation d'une réunion par le préfet de Bretagne, « en début de semaine ». Il s'agira de trouver des « solutions opérationnelles » pour juguler la production, sans détruire les œufs, comme la mise en place de dons à des associations caritatives ou la commercialisation de ces œufs hors du circuit de l'alimentation humaine, selon le ministère. Mais aucune mesure concrète n'a été annoncée.
« Tant qu'on n'aura pas de réponse, on poursuit les actions », a prévenu Stéphanie Jestin, précisant que sans nouvelles des organisations de producteurs la semaine prochaine, « on doublera peut-être » la quantité d'œufs détruits.
Vendredi, la puissante FNSEA, jusque là silencieuse, a soutenu les agriculteurs dans un communiqué . « Les producteurs œufs français sont aujourd'hui à bout, écrit le principal syndicat agricole. Après avoir lourdement investi pour mettre leurs élevages aux normes "bien-être animal", ils doivent désormais faire face à une situation excédentaire, qui se traduit par une importante chute des cours et la dénonciation de contrats de production ».
Néanmoins, si les milieux agricoles comprennent « leur désarroi », « ce n'est pas en cassant des œufs qu'on arrivera à résoudre les problèmes », a précisé Philippe Juven, vice-président de la Confédération française de l'aviculture (CFA), branche spécialisée de la FNSEA. Pour lui, des mesures de réduction de la production devraient bientôt porter leurs fruits.
« L'interprofession a préconisé la fermeture de certains bâtiments et de prolonger le vide sanitaire » entre deux lots de poules, a ajouté Philippe Juven, également président du Comité pour la promotion de l'œuf. Selon lui, si le temps dédié à la désinfection des bâtiments était porté à six semaines, cela permettrait de faire baisser la production de 6 % à 7 %.
La Confédération paysanne, syndicat minoritaire, a de son côté estimé que cette crise était « révélatrice d'un système à bout de souffle » et réclamé que « la France et l'Union Européenne se dotent d'outils de régulation et de protection des marchés et des producteurs ».
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