Login

Maladie Mortellaro ou dermatite digitée Mauvaise hygiène et stress, le cocktail explosif qui déclenche les boiteries

Apparue dans les années 80, la dermatite digitée ou maladie de Mortellaro touche de plus en plus d’élevages. Très contagieuse, et difficile à éradiquer, elle est devenue une des principales causes de boiterie de la vache laitière. Les bactéries se logent dans l’espace interdigité, entre les deux talons et provoquent une lésion rouge et douloureuse. Le Btpl (Bureau technique de la promotion laitière) explique quelles mesures préventives mettre en place pour prévenir et contrôler la dermatite digitée.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.


La propreté des surfaces et la désinfection collective des pieds sont essentielles pour limiter la contamination
entre animaux et le développement des lésions. (© Terre-net Média)

La dermatite digitée ou maladie de Mortellaro touche de plus en plus d’élevages. Les conséquences de cette pathologie sont importantes :

• boiteries sévères et fortes douleurs ; les vaches se déplacent moins, mangent moins, maigrissent et les baisses de production sont importantes ;
• surcharge de travail et de soucis pour l’éleveur ;
• coût important pour traiter les animaux atteints ;
• maladie très difficile à éliminer.

Mortellaro : des symptômes caractéristiques


Lésions circulaires comme une pièce de monnaie. (© Lely)
La maladie de Mortellaro est une inflammation des tissus situés au dessus des onglons, localisée principalement au niveau des talons des membres postérieurs.

• L’aspect des lésions est caractéristique : lésions circulaires comme une pièce de monnaie.
• Cette inflammation très douloureuse provoque de fortes boiteries.
• Le point noir de cette maladie est la très grande difficulté à l’éradiquer de l’élevage. Des moments de répit parfois longs sont observés, mais il faut toujours s’attendre à la réapparition des lésions si la surveillance se relâche.

Un cocktail explosif : mauvaise hygiène + stress + bactérie virulente

La dermatite digitée est provoquée par des bactéries anaérobies du genre Treponema. C’est aussi une bactérie de ce genre qui est responsable de la syphilis chez l’homme.

Les symptômes n’apparaissent cependant que si d’autres facteurs sont réunis pour affaiblir l’animal et ses défenses immunitaires ; la bactérie peut alors s’installer profondément dans les cellules des tissus :

• une peau fragilisée à cause de mauvaises conditions de milieu (sols constamment humides, sales et/ou agressifs, sorties de pâtures humides et boueuses…) ;
• une situation de stress qui abaisse les défenses immunitaires : la vache ne peut combattre l’infection ; les fortes productrices, les vaches de race Prim’Holstein, les primipares, les vaches en début de lactation sont ainsi plus sensibles à la maladie ;
• un changement d’environnement : passage en logettes, nouveau béton agressant les pieds, regroupement de deux troupeaux ou introduction de nouveaux animaux dans le troupeau …

L’augmentation de la taille des troupeaux avec une concentration importante d’animaux et la diminution des sorties au pâturage favorisent certainement le développement de cette maladie. 

 Une fois dans le troupeau, une propagation très rapide

• Les causes exactes de la propagation de troupeau à troupeau sont encore mal connues. La bactérie est souvent introduite dans un troupeau sain par l’achat d’un animal infecté. Elle peut aussi l’être par la circulation des germes d’un élevage à l’autre : bétaillère, matériel en commun mal nettoyé, bottes souillées, outils de parage….
• Une fois dans le troupeau, et si les conditions sont favorables à son développement, la maladie se propage très rapidement d’un animal à l’autre par simple contact.

De la contamination à l’apparition des symptômes : un incendie qui couve !

Peu visible lors des premiers stades, les éleveurs mettent généralement du temps à découvrir que la maladie de Mortellaro est présente dans leur élevage.


Cette petite lésion peut devenir bosselée avec un aspect de grosse framboise. (© Lely)
Elle peut être détectée précocement à l’occasion du parage routinier, mais le plus souvent l’éleveur découvre la maladie lorsque plusieurs vaches présentent des symptômes caractéristiques et déjà avancés.

• Les premiers stades de la maladie sont des petites lésions entre la peau et la corne des onglons, le plus souvent sous les postérieurs: couleur blanc jaune, douloureuses. Ces signes sont invisibles sans une inspection minutieuse des pieds. On les découvre parfois par hasard lors d’un parage.

• Les lésions deviennent ensuite bien caractéristiques : zones circulaires de la taille d’une pièce de 1 ou 2 euros, rouges, sans poils, toujours très douloureuses, dégageant souvent une très mauvaise odeur.

• Cette zone peut devenir bosselée avec un aspect de grosse framboise.

• Une fois cicatrisée, elle apparaît comme une zone de peau épaissie.

• L’état général de la vache est atteint : douleur, boiterie, perte d’appétit, amaigrissement ; la vache souffre pour aller manger.

• Lorsque la vache présente des signes bien visibles : piétinements ou boiteries importantes, lésion de diamètre supérieur à une pièce de 1 euro, il est déjà trop tard pour un traitement rapide et efficace.

A ce stade une seule solution possible : le traitement individuel

Le traitement est d’autant plus efficace qu’il est réalisé précocement et que les lésions sont limitées.

o Si les lésions sont modérées (diamètre inférieur à une pièce de 1 euro)
Le traitement peut être réalisé en salle de traite, sans lever le pied de l’animal, avec un produit en spray : deux pulvérisations consécutives d’antibiotiques sur les lésions (oxytétracycline). Ce traitement étant répété à 48 heures d’intervalle. (soit 2 jours x 2 pulvérisations) .

Le risque de contamination du lait est limité, mais attention toutefois en cas de chute d’un faisceau trayeur pendant l’application sur une vache. Dans la plupart des cas, la situation s’améliore ; mais si rien de plus n’est fait, les lésions ont souvent tendance à réapparaître après deux à trois mois.

o Si les lésions sont sévères
Le traitement doit être réalisé dans un travail de parage, en levant le pied, avec éventuellement un pansement, parfois complété par un antibiotique injecté par voie générale (à voir avec le vétérinaire).
Il vaut mieux, toutefois, privilégier les soins locaux et utiliser les traitements injectables par voie générale en dernier recours : leur efficacité est moins bonne et les risques de contamination du lait beaucoup plus importants.

o Conditions pour un traitement efficace :

Des mesures de prévention et de contrôle indispensables pour prévenir et contrôler la dermatite digitée

Il n’y a malheureusement ni vaccin, ni produit, ni méthode de prévention miracle pour éradiquer la maladie de Mortellaro. Une fois présente dans le troupeau, il faut mettre en place une surveillance constante et un empilement de mesures de prévention et de contrôle pour contenir les poussées de boiteries.

1. Un contrôle sévère des nouveaux animaux introduits dans le troupeau et de tout risque de contamination extérieur.


Limiter les accès aux personnes extérieures, et dans tous les cas prévoir un pédiluve désinfectant à l’entrée du bâtiment pour les visiteurs, ou des sur-bottes. (© DR)

• Un contrôle des animaux à l’achat, en particulier pour les troupeaux encore indemnes, avec une quarantaine de trois semaines dans un bâtiment séparé, et observation soigneuse des pieds.

• Nettoyer et désinfecter la bétaillère, la cage de contention, le travail s'ils sont utilisés en commun.

• S’assurer que le pareur désinfecte bien ses outils.

 

Ces mesures peuvent paraître lourdes, mais elles sont capitales si elles évitent l’entrée de la maladie dans le troupeau.

2. Le maintien d’un environnement propre et sec afin de favoriser la résistance de la barrière cutanée.

L’objectif est d’avoir des pieds en bonne santé :


Pour des pieds en bonne santé, il faut des sols secs sans flaques stagnantes. (© DR)

• Neutraliser les bétons neufs à l’acide et les rincer abondamment.

• Des sols secs, avec des pentes évacuant les eaux stagnantes.

• Des sols rainurés, afin de faciliter leur assèchement, l’humidité partant au fond des rainures. Le rainurage doit être réalisé dans les règles de l’art pour éviter les bétons agressifs.

• Augmenter la fréquence de raclage pour améliorer la propreté.

• Avoir au moins une période de pâturage dans l’année.

3. Limiter les stress alimentaires, les transitions mal conduites

Acidoses, dysfonctionnements du foie, déséquilibres alimentaires affaiblissent les défenses immunitaires des vaches. Ceci explique que ce sont souvent les vaches jeunes, en début de lactation et les plus productives qui sont les premières atteintes.

4. Le parage régulier des onglons au moins tous les six mois


La surveillance est primordiale. (© DR)

Sur l’ensemble du troupeau, ou plus souvent sur une partie des animaux, à condition de les passer tous au moins une fois en six mois.

L’objectif est double :
• surveillance du dessous des pieds ;
• équilibrer les appuis : remonter l’arrière du pied par rapport au sol, et resserrer les onglons.


L’utilisation d’un miroir orientable et d’une lampe frontale facilite la visualisation des lésions lorsque les vaches passent en salle de traite (© DR)
5. Inspection régulière en salle de traite pour une détection précoce

• Inspection en salle de traite au moins une fois par mois pour détecter précocement les animaux atteints.
• Les pieds doivent être propres, car la saleté cache les lésions débutantes.
• Une bonne luminosité et un bon accès visuel jusque sous les talons sont nécessaires.

6. La désinfection collective des pieds

Elle est essentielle pour limiter la contamination entre animaux et le développement des lésions.
Selon la gravité de la maladie, le nombre de vaches atteintes et les possibilités offertes par le bâtiment, elle peut se faire soit :
• par bain dans des pédiluves ;
• par pulvérisation ou application au pinceau en salle de traite.

Dans ces deux cas, pour une désinfection efficace il faut agir souvent et régulièrement :
• au minimum pendant quatre traites consécutives tous les 15 jours ;
• sur des pieds propres, donc nettoyés préalablement au jet d’eau en sortie de salle de traite par exemple ;
• L’aire d’exercice après désinfection doit aussi être propre.

1. La désinfection en pédiluve


Différents types de pédiluves sont utilisables :

• mousse en aire d’attente (système Kovel Foam : facile à utiliser, mais contact moins bon du produit et cout élevé) ;
• pédiluve temporaire : bac de 2 à 2,50 m de long et 15 à 20 cm de profondeur à mettre dans un passage obligé des animaux (sortie de salle de traite par exemple) ;
• éponge imbibée à placer dans le pédiluve amovible, qui effraie moins les animaux que le bain, glisse moins, économise le produit, mais trempe mois bien les onglons qu’un bain classique.

Dans tous les cas :

o ne pas mettre le pédiluve après une marche, ou après un virage ;
o deux pédiluves côte à côte peuvent être placés dans un passage large et seront mieux fréquentés ;
o deux pédiluves l’un derrière l’autre permettent un trempage assuré des quatre pieds ;
o la vidange doit être facile, bouchon ou bonde facile à ouvrir ;
o le bain est à changer tous les 150 passages.


Un simple tapis ne trempe pas les onglons assez haut pour la maladie de Mortellaro. (© DR)

 


Le bi-pédiluve (Intracare) comprend deux bacs synthétiques contenant la solution de traitement ; ils sont séparés par une grille métallique centrale permettant de récupérer une bonne partie des bouses tombant dans un bac classique. Les bains de traitement restent ainsi plus propres et efficaces plus longtemps. (© DR)

Les produits désinfectants  :


Les désinfectants classiques : sulfate de cuivre et formol présentent des risques pour la santé et l’environnement (le formol sera prochainement interdit en 2013).

Les spécialités commerciales utilisent d’autres formes de cuivre en quantité moindre. (voir liste).
L’impossibilité de contrôler exactement la concentration des produits utilisés dans le pédiluve, ainsi que la dangerosité de certains produits pour l’homme et l’environnement, risquent à terme de réglementer plus sévérement l’utilisation de produits utilisés dans les pédiluves.

2. La désinfection des pieds par pulvérisation en salle de traite

Elle est plus précise qu’avec un pédiluve :
o traitement de tous les animaux avec un produit plus concentré ;
o coût moindre, car utilise peu de produits ;
o moins de risques de contamination entre vaches ;
o mais demande beaucoup plus de temps en salle de traite.

Trois produits sont commercialisés en France pour cette utilisation :

 - InoFeet®,également commercialisé sous le nom de Podocur® ,  

- Hoof-Fit pulvé® 

 - Podogel : gel applicable au pinceau : en salle de traite ou au cornadis avec pinceau à long manche


Conclusion

Faute de traitement miracle, la lutte efficace contre la maladie de Mortellaro ne peut se faire qu’en combinant prévention – hygiène – surveillance - détection précoce - traitement ciblé, en maintenant une surveillance constante et l’application de toutes ces mesures ; car même si les problèmes semblent résolus, ce n’est souvent que temporaire :
o quarantaine pour les animaux achetés ;
o règles d’hygiène pour les visiteurs externes (vétérinaire, technicien inséminateur…) ;
o sols de la stabulation et des logettes secs et propres en permanence ;
o viser une alimentation équilibrée ;
o bains de pieds réguliers.

Seuls les soins réguliers des onglons permettent de surveiller leur santé de manière optimale.

Pour en savoir plus :

Voir sur le site Idele.fr : Produits disponibles pour le traitement de la dermatite digitée et la désinfection collective des pieds

Reconnaitre les boiteries : levez le pied, vous verez

Et vous, êtes-vous embêter par la dermatite digitée ? Discutez-en sur le forum de Web-agri : Mortellaro

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement