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Livrés à eux-mêmes face aux industriels Les éleveurs laitiers découragés pour produire du lait

Les charges alimentaires pèsent sur les marges des éleveurs et les industriels contournent la contractualisation en précarisant jusqu’à un milliard de litres de lait payés à vil prix.

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La Fnpl, avec de gauche à droite : Marcel Denieul, Thierry Roquefeuil (président) et André Bonnard.
(© Terre-net Média)
« Il n’y a qu’en France que les industriels estiment qu’il y a trop de lait ! En Allemagne et ailleurs, personne ne craint d'être confronté à une quelconque surproduction. Les débouchés existent et c’est aux transformateurs français de prendre leurs responsabilités pour les trouver ! ». C’est en ces termes que Thierry Roquefeuil, président de la Fnpl (section spécialisée de la Fnsea) relate, ce 19 septembre, la conjoncture atypique dans laquelle se retrouvent les producteurs laitiers en cette rentrée.

Selon lui, les industriels sont de plus en plus nombreux à contourner la contractualisation et à refuser de prendre leur part de responsabilité pour valoriser le lait collecté. Environ 1 milliard de litres de lait serait pris en otage par les industriels en rendant, sous différentes formes, sa collecte précaire et en refusant de payer le lait au prix contractualisé, établi en fonction des indicateurs interprofessionnels.

Une vision "courtermiste" pas compatible avec le métier d'éleveur

Sur ce milliard de litres de lait, 100 millions sont même dans une extrême précarité. Dans la Loire, les 70 éleveurs de la laiterie Forez Fourme n’ont plus de collecteur attitré et Lactalys refuse de trouver une solution collective pour ne pas s’engager sur les 11 millions de litres de lait en jeu. Or ils ne représentent qu’une infime partie de la quantité de produits transformés chaque année par le groupe.

Les industriels de la transformation jouent avec le feu, estime la Fnpl. En craignant d’avoir trop de lait, ils pourraient ne plus en avoir assez à brève échéance. La Fnpl ne comprend pas leur stratégie qui consiste à faire porter le risque inhérent à leurs activités de transformation sur les seuls éleveurs, autrement dit à avoir une vision "courtermiste" qui ne rassure ni les clients, ni les éleveurs.

L’investissement de 100 millions d’euros d’un groupe chinois dans une usine de séchage en Bretagne montre leur volonté de s’assurer, auprès de la coopérative Sodiaal, un approvisionnement régulier en lait infantile. Il confirme aussi que le lait français a de réels débouchés et qu’il n’y a que les industriels français pour ne pas le comprendre !

Pour les éleveurs, la précarité dans laquelle de plus en plus d’entre eux sont plongés ne peut que les conduire à s’interroger sur leur avenir. Car pour produire du lait, ils ont besoin de lisibilité pour amortir, rentabiliser leurs capitaux et vivre de leur métier. Or la conjoncture des marchés ne leur est pas favorable. Le prix du lait se redresse et les indicateurs sont dans l’ensemble au vert pour les prochains mois. Mais l’augmentation attendue du prix ne couvrira pas l’augmentation des charges alimentaires de 20 euros par tonne et ne compensera pas le manque à gagner des mois précédents lorsque le lait perdait une dizaine d’euros, selon la Fnpl. 

Pour elle, le ratio charges alimentation achetée/prix du lait a augmenté de 10 points autrement dit de 50 %, depuis six mois. Dans ces conditions, certains pourraient être tentés d’abandonner le lait pour produire des céréales et profiter ainsi pleinement des prix élevés. Mais aussi ne plus être confrontés à la lourdeur des démarches administratives auxquelles ils sont quotidiennement soumis.

La Fnpl donne des cours d'Economie aux industriels

La Fnpl rappelle que les normes environnementales à respecter sont plus contraignantes en France que dans le reste de l’Union. Et surtout le risque d’être pénalisé lors d’un contrôle Pac est plus important puisque les inspecteurs se rendent dorénavant par brigade dans les exploitations pour s’assurer que l’éleveur est bien dans les règles. Lors d’un contrôle, c’est ainsi l’ensemble de l’exploitation qui est passée au crible. En productions végétales, les contrôles sont par nature plus simples.

La section spécialisée "lait" de la Fnsea a ainsi ôté, ce mercredi 19 septembre, sa veste syndicale pour prendre le costume d’économiste et donner une leçon de management aux industriels ! Et elle invite Bruxelles à prendre davantage fait et cause pour l’élevage en revoyant sa stratégie de convergence uniforme des aides découplées après 2014. Mais comment y parvenir sans l’assentiment des Vingt-sept qui sont sur ce sujet là aussi divisés?

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