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Analyse météo Quid de notre été pourri

Grisaille, pluies régulières et fraîcheur ne désarment pas depuis le début de l'été météorologique, soit depuis le 1er juin, sur plus des trois-quarts de la France en dehors des régions proches de la Méditerranée, selon Frédéric Decker de MeteoNews. Sommes-nous dans les records ?

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Le nombre de jours d'orage a été élevé, mais pas exceptionnel. (© Terre-net Média)

Les quantités de pluie du mois de juin ont été très importantes au nord de la Loire, notamment sur le Bassin parisien où il est tombé le double de la normale, soit une petite centaine de millimètres. Les records des mois de juin 1987 et 1997 n'ont toutefois pas été inquiétés, situés généralement une trentaine de mm au-dessus de notre mois de juin 2012. Pas de record non plus à l'échelon national, loin de là, avec un excédent relativement modeste de 20 . En fréquence en revanche, l'Ile-de-France a connu 20 à 24 jours de pluie en juin, battant parfois les records des mois de juin 1991 ou 1987. Cette première quinzaine de juillet quant à elle reste loin des records de pluie des mois de juillet 1948, 2000 et 2001.

Pas de records non plus côté mercure : juin a même été 0,3 degré plus chaud que la normale ! Depuis début juillet, nous sommes environ 1 degré sous la normale, déficit réduit pas les fortes chaleurs récurrentes dans le sud-est. Les déficits sont plus marquées vers le nord et le nord-ouest. Juillet 1948 était franchement plus froid sur la première quinzaine, avec un déficit atteignant près de 3 degrés à l'échelon national !

Mais où est passé le réchauffement climatique ?

Le réchauffement ou plutôt le changement climatique ne garantit pas des étés caniculaires. Plus l'air est chaud et plus il peut contenir de vapeur d'eau, donc par définition plus de nuages susceptibles de donner de la pluie. Par ailleurs, nous constatons que nos derniers "étés pourris", malgré des durées d'ensoleillement et des quantités de pluie moyennes du même ordre que les pires étés de ces 60 dernières années, sont beaucoup moins frais que dans un passé même assez proche : avec un faible ensoleillement record et des quantités de pluie très importantes (7ème été le plus arrosé depuis 1946), l'été 2007, avec une température moyenne nationale de 18,9 degrés, n'a été déficitaire que de 0,4 degré sur la normale 1971/2000 !

L'été 2011, un peu moins sombre et plus lumineux, a quant à lui été déficitaire de 0,7 degré... Mais la température moyenne de l'été 2011 (18,6 degré) correspond à un dixième de degré près à la normale des étés entre 1971 et 2000 (18,7 degrés) et se situe même au-dessus des normales précédentes (1961-90, 1951-80) respectivement de 0,4 et 0,7 degré ! Ainsi, l'été 2011 relativement frais correspond à un été plutôt chaud des années 50, 60 ou 70 ! Pour mémoire, l'été le plus frais date de 1956 avec une moyenne saisonnière de 16,5 degrés seulement, soit 1,4 degrés sous la normale de l'époque et 2,8 degrés sous la normale actuelle ! Le fait est que le réchauffement de ces toutes dernières décennies a aussi réchauffé les "étés pourris", alors que l'ensoleillement et les précipitations n'ont pas connu de variations notables (l'ensoleillement aurait même tendance à faiblir un peu).

Et beaucoup d'orages, est-ce normal ?

Oui, nous sommes en été, saison où les orages éclatent le plus fréquemment sur la plupart des régions, en dehors du pourtour méditerranéen où c'est en automne que le tonnerre gronde le plus souvent ! De plus, une grande partie de juin jusqu'à début juillet s'est déroulée sous un contraste thermique important (air chaud sur l'est et le sud de la France, air frais sur le nord-ouest), favorisant ainsi le déclenchement d'orages, notamment du sud-ouest au nord-est. Le nombre de jours d'orage a été élevé, mais pas exceptionnel (pas de records battus). L'été 1983 était très largement plus orageux, mais pour des raisons différentes : une masse d'air chaud et très humide favorisait alors les développements orageux presque quotidiennement.

On a constaté des tailles de grêlons importantes dans le nord-est, en Auvergne ou encore en région Rhône-Alpes fin juin et début juillet. La taille des grêlons dépend de la force des courants ascendants présents au sein d'un orage. Plus ces courants sont forts, plus la grêle imprimera un circuit rotatif au sein du cumulonimbus, jusqu'à peser trop lourd pour remonter une énième fois jusqu'au sommet du roi des nuages. Il finit ainsi par tomber. Le cas de Mervans est remarquable (grêlons atteignant près de 10 cm de diamètre le 30 juin). Mais là encore, on a déjà vu plus gros : en août 2010, des grêlons de 12 cm de diamètre sont tombés localement dans l'Avesnois. Le record en France date d'août 1958, avec un grêlon de plus de 15 cm de diamètre ramassé après un orage à Strasbourg, grêlon qui pesait près d'1 kg (972 grammes !).

L'orage le plus remarquable qu'ait connu la France est sans conteste un phénomène très ancien : le 13 juillet 1788, un orage extraordinaire a sévi entre les Charentes et la Hollande, traversant le Poitou, le Centre, la Beauce où les champs de blé ont été réduits à néant, la région parisienne, puis la Picardie, le Nord-Pas-de-Calais et la Belgique. L'orage, d'une durée d'un quart d'heure, provoquant des dégâts monstrueux (le Château de Versailles vit ses vitres brisées notamment) en raison de vents tempétueux et de grêlons atteignant 300 à 600 grammes sur cette bande étroite ! Cet orage, arrivé dans une grande période de sécheresse et suivi d'un hiver extrêmement rigoureux (- 21 degrés à Paris !) est d'ailleurs cité dans les causes de famine ayant conduit à la Révolution Française du 14 juillet 1789.

Bref, si l'été nous paraît bien "pourri" sur les trois-quarts du pays, il reste loin, très loin des pires étés des décennies passées. Rappelons enfin qu'après l'été 1976 caniculaire et très sec, la France a enchaîné pas moins de cinq étés consécutifs "pourris", froids, sombres, et humides, pires encore que notre été actuel...

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