Champ planet'terre, passe et impasse Des convoitises contrariées
Si en France, la fin des quotas embarrasse plus les éleveurs qu’elle ne les réjouit, en Nouvelle-Zélande,où ils n’existent pas, les producteurs de lait ne se posent qu’une seule question : comment produire toujours plus et augmenter leurs revenus, avec de moins en moins de surfaces disponibles pour s’agrandir ? Pour Morgan Easton, éleveur néo-zélandais, mondialisation rime avec expansion et il compte bien en profiter avec sa coopérative Fonterra. Alors qu’en France, les producteurs contractualisent pour réguler. Un article extrait de Terre-net Magazine n°10.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
|
Morgan Easton a trouvé son Eden à Oamaru dans le South Canterbury
Produire plus avec 1.280 vaches
La production laitière en Nouvelle-Zélande - Collecte totale : 16 millions de tonnes (24 millions de tonnes en France). |
Installé depuis 2007 dans le South Canterbury (île du Sud), Morgan Easton, 28 ans, compte profiter de cette embellie pour développer son exploitation. S’il redoute la croissance rapide du secteur laitier aux Etats-Unis, le jeune éleveur ne craint pas la concurrence de l’Union européenne, davantage orientée vers la consommation intérieure.
Aucun risque, de plus, que les céréaliers européens redeviennent éleveurs ! Quant à la fin des quotas, elle intervient alors que le marché mondial est porteur. Enfin, le potentiel de croissance de la filière est limité en Europe. Surtout, la réglementation en vigueur et les contraintes imposées aux producteurs freinent le développement du secteur car elles rendent le lait trop cher à produire.
150 bêtes de plus par an
Morgan commercialise le lait de son exploitation, auprès de la coopérative Fonterra, à laquelle adhèrent 92 % des éleveurs néozélandais. Comme ses confrères, il fait totalement confiance à cette structure pour tirer parti, au mieux, des marchés mondiaux du beurre et de la poudre de lait.
|
Par exemple, elle opte pour la vente de produits finis (fromage, beurre…) lorsque le prix du lait est faible ; pour la poudre de lait et le beurre, si les cours sont élevés. Morgan détient, en parts sociales (4,52 dollars néo-zélandais l’unité), le nombre de kilogrammes de poudre produits à partir du lait collecté. Actuellement, avec ses 6,1 millions de litres de lait collectés, qui équivalent à 550.000 kg de poudre grasse, il estime son capital à 2,49 millions de dollars néo-zélandais (soit 1,49 million d’euros).
Par ailleurs, les parts sociales sont assimilables à des actions cessibles à tout moment : leurs cours varient donc en fonction de la conjoncture des marchés et l’éleveur peut en acheter autant qu’il produit de lait en plus. Or, depuis son installation, Morgan augmente l’effectif de son troupeau de 150 bêtes par an !
Un marché foncier ouvert
|
Le prix du litre de lait, calculé en Nouvelle-Zélande sur la base de 90 g de MS/kg, a été en moyenne de 43 centimes d’euros sur 2010/2011 (en France, le prix de référence est établi sur 80 g de MS/kg), pour un coût de production parmi les plus faibles de la planète (0,2 €/l). Comme Morgan est "sharemilker", un statut spécifiquement néozélandais réservé à de nombreux éleveurs, il verse environ 4/5ème du chiffre d’affaires réalisé à ses parents, "landowners" (propriétaires). Lesquels doivent s’acquitter des charges d’entretien et de culture. Avec le 1/5ème restant, Morgan paie ses salariés (quatre à six selon la charge de travail), dégage un bon revenu et investit. Endetté, il peut ne rembourser, s’il le souhaite, que les intérêts de ses prêts (le taux en vigueur est de 7 à 8 %).
Clément Rochette, élève ingénieur à Purpan, avec Frédéric Hénin
L’exploitation en chiffres - Effectif : 1.280 vaches laitières jersey, fresian (holstein) et croisées. - Sau : 406 ha, dont 370 ha de prairies irriguées. - Production : 6,1 millions de litres par an (soit l’équivalent de 550.000 kg de poudre). - Prix du litre de lait : 43 centimes d’euros en 2010/2011. - Chiffre d’affaires : 4,4 NZ$ (dollars néozélandais), soit 2,6 M€. - Investissements récents : |
En France
Jérôme Chapon, administrateur à Jeunes agriculteurs (JA) et éleveur dans la Manche
Renforcer la cohésion de la filière
« La coopérative Fonterra est un modèle d’adaptation au marché grâce à un mix-produit important. Elle semble avoir les "recettes" pour que ses producteurs s’y sentent bien. En fait, Fonterra "fait ce qu’il faut" pour trouver des débouchés appropriés à tout moment. Mais, je serais moins confiant que Morgan sur la capacité des éleveurs néo-zélandais à produire toujours plus. Dans un proche avenir, les contraintes environnementales constitueront un facteur limitant de la production.
|
L’interprofession doit avoir une maîtrise globale de la production à l’échelle du territoire : aussi bien sur le marché intérieur pour faire jeu égal avec la grande distribution, qu’à l’export avec la création d’une cellule qui puisse identifier les débouchés sécurisés. A l’échelle européenne, un observatoire des volumes et des marchés fournira des indicateurs économiques aux différents Etats membres.
Pas une menace
La production de lait néo-zélandaise ne représente pas en elle-même une menace. Les éleveurs français et européens ne jouent pas sur le même terrain que les néozélandais. Vouloir devenir leurs concurrents et chercher à être compétitifs sur leurs marchés n’auraient d’ailleurs aucun sens. Ce serait même destructeur.
Mieux vaut privilégier les marchés national et communautaire et des prix rémunérateurs. Ce qui n’exclut pas les exportations si l’opportunité se présente. Le vrai danger pour l’avenir de la profession, c’est le démantèlement de tous les outils de régulation en Europe. »
Propos recueillis par Frédéric Hénin
Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°10 Si vous ne l'avez pas reçu chez vous, retrouvez Terre-net Magazine en ligne en cliquant ICI. |
Pour accéder à l'ensembles nos offres :