Login

Champ planet'terre, passe et impasse Marché implacable : sans filière organisée, le bio devient très conventionnel

Vendre avant de produire : la filière bio n’échappe pas à la règle. En France, la valorisation des animaux bio repose sur un circuit de commercialisation avec, au coeur du dispositif, l’agriculteur. La fédération « Les éleveurs bio de France » garantit, aux producteurs, des prix rémunérateurs. En Irlande en revanche, l’isolement professionnel et commercial d’Ernest Mackey le conduit, comme les autres éleveurs de ce pays, à vendre ses bovins viande bio au prix du marché conventionnel. La passion ne paie pas ! Un article extrait de Terre-net Magazine n°7.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.


Ernest Mackey a travaillé, dans la ferme familiale, dès l’âge de 16 ans.
Aujourd’hui, il dirige une exploitation de 140 ha, dont 60 ha de forêts
(seulement 4 % des exploitations irlandaises comptent plus de 100 ha).
(© DR)

En Irlande


Ernest Makey, éleveur de bovins viande bio, dans le comté de Wicklow

Porté par sa foi dans le bio

Difficile de valoriser des produits bio sans filière de commercialisation ! Ernest Mackey, éleveur de bovins et d’ovins bio en Irlande, au Sud de Dublin, en fait l’amère expérience.

Depuis qu’il s’est converti en 1996, ce passionné de la race Aubrac (85 vaches à pedigree sur 103 femelles et dix taureaux à pedigree) ne parvient pas à trouver de débouchés intéressants pour ses animaux. Seuls quelques uns par an sont écoulés sous label biologique, pour 150 euros de plus qu’en conventionnel uniquement.

Ses clients sont essentiellement des voisins ou des amis, ou encore d’autres éleveurs cherchant à développer leur troupeau.

Un manque à gagner de 12.000 €/an


Aujourd’hui, l’éleveur irlandais concentre toute son énergie à produire
des animaux de qualité, grâce à un programme de sélection génétique.
Il collabore d’ailleurs avec les éleveurs de l’Upra Aubrac France. (© DR)

Les animaux d’Ernest sont donc vendus, en majorité, au prix de marché des bovins conventionnels. Au final, les pertes de chiffre d’affaires et de marges sont importantes, mais difficiles à évaluer, faute de filière bio nationale.

L’éleveur estime, malgré tout, celles-ci à 12.000 €/an : 150 € de manque à gagner par animal (différence actuelle de prix de vente entre les bovins bio et conventionnels) multipliés par 80 bêtes. Mais, si l’on se réfère au marché français, Ernest perd jusqu’à 300 € pour les meilleurs individus.

Toutefois, à 65 ans, ce dernier s’est fait une raison. Sa carrière est derrière lui : il ne court plus après le chiffre d’affaires, il vit simplement sa passion d’éleveur.

La crainte d’être moins rentable

Il y a quinze ans, après 35 années d’élevage conventionnel, l’agriculteur s’était lancé dans la production biologique pour être en phase avec ses convictions. Une conversion, qui l’a conduit à revoir l’ensemble de ses pratiques agronomiques.

Le plan Reps en bref

En Irlande, le Rural environmental protection scheme ou Plan pour la protection de l’environnement est financé à 75 % par l’Union européenne.

De 1994 à 1999, 45.500 agriculteurs (33 % de la surface agricole du pays) ont touché 1,04 milliard d’euros. En 2006, ils n’étaient plus que 19.907 pour 129 M€.

La démarche s’est avérée difficile car elle supposait d’élever moins d’animaux, avec la crainte d’être moins rentable. L’éleveur s’attendait par exemple à ce que, sans fumure minérale, le rendement des prairies baisse, sans savoir dans quelle proportion !

Mais à l’époque, les soutiens existant en Irlande avaient levé une partie de ses appréhensions. A sa conversion en 1996, Ernest a perçu 8.000 € d’aides Reps (Rural environmental protection scheme ou Plan pour la protection de l’environnement, lire l’encadré) ; puis, 5.000 €/an de 1998 à 2009.

Références historiques avantageuses

A ces fonds publics, s’ajoutent 9.500 €/an pour la mise en place du plan de protection de l’environnement (aides à la plantation d’une forêt et à la biodiversité), ainsi que les primes bovines et ovines, basées sur des références historiques que l’éleveur reconnaît avantageuses : 32.000 €/an alloués pour 80 vaches allaitantes et 200 brebis.

En 2009, avec la crise financière, le gouvernement a renoncé aux programmes Reps. Toutefois, cette décision est sans conséquence pour l’exploitation d’Ernest, où les plans de protection de l’environnement étaient achevés.

L’inquiétude de l’éleveur porte surtout sur l’après 2013. Quel sera le prochain budget de la Pac ? De quels soutiens disposeront les éleveurs de bovins viande ? Autant de questions qu’il se pose avec, en toile de fond, de réelles incertitudes quant à sa succession.

 

En France

Jean-François Deglorie, animateur de la fédération « Les éleveurs bio de France »

Les producteurs au coeur du dispositif de commercialisation


En gros bovins, les prix sont, en fonction des types et des catégories
d’animaux, 15 à 30 % supérieurs aux cours pratiqués en conventionnel.
(© DR)

« Les filières de la fédération « Les éleveurs bio de France » permettent de développer des marchés et de garantir, aux producteurs, des prix relativement stables à l’année sur la base de planifications annuelles. »

« En gros bovins, les prix sont, en fonction des types et des catégories d’animaux, 15 à 30 % supérieurs aux cours pratiqués en conventionnel. Les bêtes de race à viande à destination bouchère sont, par exemple, vendues autour de 4,50 €/kg de carcasse rendu abattoir, prix auquel peuvent s’ajouter des primes saisonnières. »

Préserver le revenu des éleveurs


La fédération garantit, aux producteurs, des prix relativement
stables à l’année, sur la base de planifications annuelles.
(© Les éleveurs bio de France)

« Cette plus-value est permise par l’engagement, des éleveurs, dans les groupements de producteurs dont ils sont membres et auxquels ils doivent annoncer, plusieurs mois à l’avance, le nombre d’animaux qu’ils mettront en vente. Ces organisations font ensuite remonter les informations à la fédération, à condition qu’elles y adhèrent bien sûr. L’objectif recherché est la planification des ventes pour équilibrer l’offre et la demande. »

« La fédération regroupe treize organisations d’éleveurs et représente 60 % de la commercialisation des animaux finis. Elle a pour mission essentielle la préservation des revenus des producteurs et remplit, à cette fin, un rôle de veille économique. C’est à ce niveau que les éleveurs bio peuvent échanger sur la mise en place de nouveaux marchés. »

« Les producteurs participent aussi à l’élaboration de programmes de communication. Ceci afin de favoriser la commercialisation, ou encore une segmentation de l’offre appropriée, pour qu’un maximum d’animaux soit vendus en bio. »

Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°7. Si vous ne l'avez pas reçu chez vous, retrouvez Terre-net Magazine en ligne en cliquant ICI.


(© Terre-net Média)

 

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement