Maîtrise des mammites et des boiteries Des manques à gagner clairement chiffrés et personnalisés

La santé des troupeaux laitiers a des répercussions sur le revenu et l’organisation du travail des éleveurs. D'où l'intérêt du nouveau logiciel, développé pour les conseillers en santé animale. (© Terre-net Média)

Malgré toute l’attention des conseillers et des éleveurs, les mammites et autres boiteries sont toujours aussi présentes dans les élevages laitiers français. Une des raisons à ce semi-échec est la même que pour d’autres maladies multi-factorielles : la difficulté des éleveurs à percevoir les répercussions économiques d’une maitrise insuffisante et plus largement, le rapport coût/bénéfice d’un plan de maitrise mis en place.

Un logiciel pour soutenir les conseillers en santé animale

« En vue d’améliorer la situation, un logiciel novateur a été développé et évalué, en partenariat entre chercheurs et acteurs de terrain », explique Philippe Roussel de l'Institut de l’élevage.

Coûts moyens À noter que la valeur moyenne de l’impact économique initial était de 9800 € pour les mammites (effectif de 62 vaches) et de 7500 € pour les boiteries (effectif de 73 vaches). La marge de progrès économique était estimée à 3100 € en moyenne, sans différence notable entre les deux maladies.

Ce logiciel « économie des plans de maîtrise des mammites et des boiteries » a été développé à partir du logiciel « estimation des pertes économiques dues aux maladies en troupeau bovin laitier », développé par l’école nationale vétérinaire de Nantes.
Ce logiciel doit venir aider les conseillers en santé animale sur le terrain. Il doit leur permettre d’évaluer différents paramètres pour une exploitation donnée :

• le manque à gagner, résultat de l’effet des maladies sur les animaux atteints par simulation,
• les coûts ou dépenses de maîtrise, inhérents à la prise en charge de ces troubles de santé (mesure de prévention, traitement…),
• les bénéfices attendus, pour l'éleveur, de la mise en place d’un plan de maîtrise dans l’exploitation.

« Pour estimer les pertes induites par la maladie et quantifier les coûts de mise en œuvre des moyens de maîtrise spécifiques, il faut tout d’abord décrire la situation sanitaire chaque année : fréquence des mammites ou des boiterie, degré de sévérité, nombre de traitements », explique le spécialiste de l’Institut.

4 niveaux d’expression clinique

À partir de ces données, un impact zootechnique moyen est évalué par le logiciel : « nous avons distingué quatre niveaux d’expression clinique, pour moduler les effets zootechniques associés à chaque type (mammite et boiterie) et pour se rapprocher des particularités des situations rencontrées dans les exploitations ».

• Pour les mammites : signes locaux simples non-durables, modérés avec séquelles et/ou rechute, signes sévères ou généraux non-durables et signes sévères ou généraux durables.
• Pour les boiteries : affections modérées, boiteries légères (expression clinique < 8 j), boiteries modérées (expression clinique de 8 j à un mois), boiteries sévères (expression clinique > 1 mois).

Au final, la démarche définie repose successivement sur :

• l’évaluation de la situation initiale de l’exploitation, en termes de prévalence et de sévérité de la maladie, que l’outil logiciel permet de convertir en impact économique (somme des coûts de traitement et de prévention et du manque à gagner estimé),
• la formulation, après analyse et diagnostic, d’un plan d’actions de correction assorti d’un pronostic quant à l’évolution attendue de la prévalence et de la sévérité de la maladie sous l’effet de ces actions, que l’outil logiciel permet de convertir en termes économiques pour en évaluer la rentabilité (retour sur investissement).

Le logiciel développé, téléchargeable pour utilisation sur l’ordinateur du conseiller ou de l’éleveur, intègre notamment une base de références de coûts de traitements et de mesures de prévention, ce qui renforce son caractère opérationnel pour les intervenants.

Un élément de persuasion

À l’issue de tests d’application dans 60 exploitations confrontées à des problèmes de mammites et de boiteries, la démarche est considérée comme « pertinente, opérationnelle et efficace » aussi bien par les éleveurs que par les conseillers. À posteriori de l’utilisation de ce logiciel sur le terrain, des avis d’utilisateurs ont été rassemblés. On peut ainsi noter que pour les prescripteurs, ce logiciel est « un élément qui peut aider à la persuasion de l’éleveur ».

Il vient ainsi « en complément des démarches d’appui technique », l’estimation économique aidant à l’argumentation. En outre, 85 % des éleveurs estiment que « les aspects économiques, développés et discutés à partir de données issues du logiciel, leur permettent de prendre conscience de l’importance des manques à gagner, qui sont adaptés à leur exploitation ». « La présentation du rapport coût/bénéfice attendu est également, pour certains d’entre eux, un élément d’incitation à la mise en place des mesures préconisées », souligne Philippe Roussel.

Des éleveurs plus motivés

Une meilleure motivation des éleveurs au changement est obtenue par la production de résultats économiques chiffrés spécifiques de leurs exploitations lors d’une intervention de conseil.
« Les premières estimations, faites dans une phase de mise au point du logiciel, montrent que ces données économiques personnalisées ont intéressé les éleveurs et ont contribué à faire évoluer leurs pratiques selon les conseils préconisés. Il est donc permis d’espérer qu’avec le logiciel maintenant finalisé, le suivi des recommandations sur les mammites et les boiteries soit optimisé. »

Pour aller plus loin Institut de l’élevage : www.inst-elevage.asso.fr.