Prix du lait Les producteurs de lait crient leur colère et leurs inquiétudes
Ils disent vivre leur passion en élevant des vaches. Mais, devant le refus des grands groupes de leur payer leur lait plus cher, les petits producteurs de Haute-Garonne crient leur colère et leur inquiétude pour la survie de leur exploitation et même de toute la filière.
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conditions économiques (© TNM) |
"Avec le prix que l'on nous paie, je ne fais pas de marge, je suis en négatif. Ce prix ne permet pas de couvrir l'ensemble des frais", s'exclame Jean Doumeng, 75 vaches. "La situation est intenable, surtout après l'année 2009 que nous venons de vivre", abonde Olivier Beaufils, à la tête d'un cheptel de 70 têtes de bétail. Quant à Serge Barthes, 55 bêtes, il entrevoit carrément la disparition de l'élevage laitier si les géants de la transformation laitière persistent à rejeter la demande des syndicats majoritaires chez les producteurs: une hausse moyenne de 3,1 centimes par litre. Les trois hommes font partie de ces exploitants qui ont pris sur leurs heures de travail et se sont mobilisés ces derniers jours pour faire plier les groupes laitiers Bel, Bongrain et Lactalis. Comme tant d'autres en France, ils sont allés chez Auchan et Carrefour à Toulouse pour étiqueter La vache qui rit, le Caprice des Dieux et le Camembert Président, les produits vedettes de Bel, Bongrain et Lactalis. "BOYCOTTEZ - Ce produit est fabriqué par une entreprise qui ne paye pas les producteurs de lait", proclamaient leurs autocollants.
"Il y a peu de monde qui serait prêt à travailler 7 jours sur 7 pour ce prix là"
Les organisations syndicales ont donné aux transformateurs jusqu'à jeudi pour reprendre les négociations. C'est qu'il "faut dégager un revenu, on ne pourra pas tourner à perte longtemps", dit Jean Doumeng, secrétaire général de la Fédération nationale des producteurs laitiers (FNPL) Sud-Ouest. En décembre 2000, le litre était payé au producteur 32 centimes, et seulement 28,5 aujourd'hui, fait-il valoir. Sur son exploitation de 160 hectares, pour une production de 750.000 litres par an, il compense grâce à la culture des céréales et des oléagineux. D'autres joignent les deux bouts avec les revenus de leur conjointe. Mais, à son fils de 20 ans, que la reprise de l'exploitation intéresse, Jean Doumeng "conseille de bien réfléchir", surtout quand les journées de travail s'étirent de 6 heures du matin à 21 heures. "Travailler, cela ne me dérange pas", dit Olivier Beaufils, 38 ans, venu à la ferme "par passion". Mais "s'il n'y a pas de rentabilité, je n'ai plus rien", dit ce membre des Jeunes Agriculteurs, père de trois enfants qui arrive au bout de ses capacités de financement pour investir dans l'exploitation de Montréjeau (Haute-Garonne). Il ne "sait pas si les industriels se rendent compte de (notre) situation". Serge Barthes se déclare plus chanceux. Agé de plus de 50 ans, il a amorti son outil de production dans le Lauragais. Mais ses revenus restent faibles. "Il y a peu de monde qui serait prêt à travailler 7 jours sur 7 à ce prix-là". Il n'hésite pas à prédire un effondrement de la filière si la situation perdure : "On ne peut pas produire à perte sans remettre en cause toute la production du secteur", affirme-t-il en précisant qu'en Haute-Garonne il ne reste que 286 producteurs. Dans le Sud-Ouest, selon lui, ce sont "8% des producteurs de lait qui disparaissent chaque année", ce qui "remet en cause également les entreprises de transformation". Si les discussions avec les industriels n'aboutissent à rien de bon pour les producteurs, "on peut s'attendre à des réactions beaucoup plus chaudes" que les opérations de "stickage" dans les grandes surfaces, menace-t-il.
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