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La production laitière de montagne en Europe après 2015 À la recherche d’une politique d’accompagnement spécifique

Avec 15 % des exploitations laitières et 11 % des volumes collectés en Europe, comment programmer en douceur la fin des quotas laitiers en zone de montagne en 2015 ? Des réponses dans l'étude commanditée par le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel) portant sur l'avenir des élevages laitiers en zone de montagne après 2015.

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Avec 15 % des exploitations laitières et 11 % des volumes collectés
en Europe, comment programmer en douceur la fin des quotas
laitiers en zone de montagne en 2015 ? (© Terre-net Média)
Le débat européen s’est orienté ces derniers temps sur les conséquences attendues (hausse des volumes, baisse des prix, concurrence accrue) de cette sortie progressive des quotas des producteurs des zones de montagne qui disposent de peu d’alternatives agricoles viables à la production laitière grâce à laquelle ils jouent un rôle majeur.

Pour préciser les choses, le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL) a commandité une étude destinée à « décrire, comparer, comprendre les logiques de fonctionnement des exploitations laitières de montagne et leurs déterminants, les résultats économiques obtenus, leur sensibilité à un marché des produits laitiers globalement moins régulé et plus volatil, les stratégies d’adaptation possibles, les politiques publiques spécifiques actuelles ou envisagées, le rôle et la structuration des filières », expliquait Christophe Perrot (Institut de l’élevage), en décembre dernier*.

Quelles conséquences dans la perspective d’une dérégulation ?

L'étude a été réalisée sur la base d’une analyse des résultats individuels 2005 du Rica européen et complétée par des entretiens avec des acteurs de terrain (Espagne, Italie du Nord, Allemagne, Autriche, Slovénie).

Quatre typologies distinctes

La place relative des zones de montagne dans la production laitière de chaque pays permet de constituer 4 groupes d’état membre :

  • La production est dominante en Autriche Slovénie et Finlande, où elle représente les 2/3 et les ¾ de la production et des exploitations ;
  • Elle est importante en Italie, Slovaquie et Espagne, où elle pèse pour 20 à 30% de la production et rassemble environ la moitié des exploitations ;
  • Elle est significative au Portugal, en France, en suède et en république tchèque om elle représente 10 à 15% de la production et 15 à 20% des exploitations ;
  • Elle est minime en Allemagne et en Pologne (moins de 5% de la production).

En moyenne, une exploitation montagnarde compte 24 vaches laitières et 142.000 kg de production laitière, des niveaux bien différents de ceux des exploitations de plaine (43 VL, 291.000 kg). Cette faible moyenne européenne est due à la persistance, dans certains pays, d’exploitations laitière de petite dimension, certes professionnelles au sens du Rica, mais le plus souvent pluriactives et intergénérationnelles.

Elle décrit la diversité de la production laitière dans les massifs montagneux européens concernés avant de pointer les marges de manœuvre des acteurs économiques et les évolutions souhaitables des politiques publiques dans la perspective d’une dérégulation plus poussée du contexte économique laitier européen.

L’étude montre que 11,5 % des volumes produits en Europe et 15 % des exploitations européennes sont situés en zone de montagne. De fait, « la production laitière de montagne est un symbole du modèle agricole et alimentaire européen avec des produits de qualité, diversifiés et identifiés, des territoires équilibrés et entretenus, des exploitations familiales et multifonctionnelles », résumait le spécialiste de l’Institut de l’élevage.

Toutefois, tout n’est pas homogène : ainsi, six pays (France, Italie, Autriche, Finlande, Espagne) assurent près de 90% de la production de lait de montagne et 4 groupes homogènes peuvent être identifiés (encadré).

Une valorisation pas toujours supérieure

En outre, l’étude montre que la valorisation du lait, quoiqu’on puisse en dire, n’est pas toujours supérieure : « en fait, cette valorisation supérieure apparaît plus comme une spécificité française, malgré une hétérogénéité bien connue entre les massifs », poursuivait Christophe Perrot : en 2005, cette valorisation atteignait en moyenne, en France, 10 % à 323 €/t en montagne, contre 295 €/t en plaine, « grâce à un poids important des filières fromagères de qualité » (30 % du lait de montagne est transformé en Aoc). En Italie, la valorisation est moitié moins importante tandis qu’ailleurs, elle est faible à non-significative.

« En gommant toute les frontières nationales, le lait de montagne est toutefois mieux valorisé en Europe, à 321 € la tonne, contre 288 euros, parce qu’il est pour une large part produit en France et en Italie où les marchés sont mieux segmentés. »

Seulement 34 % du différentiel de coût compensé

L’étude met également en évidence que le coût de production du lait (charges totales, hors salaire et rémunération du travail non-salarié) est supérieur de 12 % en zone de montagne (37 €/t), essentiellement à cause des coûts d’aliments (+15 %), des charges de bâtiment (+52 %) et des charges de mécanisation (+24 %)  plus élevées. En outre, le coût du travail est également supérieur (+62 €/t), avec une productivité du travail qui varie pratiquement de 1 à 2 en volume de lait pour les exploitations spécialisées de plus de 10 VL entre la plaine et la montagne. « Toutes mesures confondues, les aides directes ne compensent finalement que 34 % du différentiel de coût et de productivité, largement imputables au handicap naturel : ramenées à l’unité de travail, les aides directes sont inférieures en montagne, avec 10.500 € contre 12.600 € en plaine », expliquait même le spécialiste de l’Institut.

In fine, la rémunération du travail familial est logiquement plus faible en montagne qu’en plaine, avec 15.700 €/Utaf contre 25.000 € en 2005. Ces données sont en outre accentuées par la grande diversité de productions relevée dans les montagnes européennes. Heureusement, l’élevage laitier est à l’origine d’une bonne part de la richesse des territoires montagnards. « Cette production de bien public, non-rémunérée par le marché, mérite un soutien spécifique en matière de politique publique et donne à ces zones un atout décisif dans le cadre des aides directes de la Pac », poursuivait-il, précisant que Bruxelles était conscient de la nécessité « d’amplifier cette politique de soutiens ciblés ». Mais précisant toutefois que ces politiques « ne sauraient être le seul moteur du développement de ces exploitations et de leurs filières ».

L’étude met ainsi en avant la nécessité pour ces exploitations de « contribuer à leur propre survie », en mettant en place des stratégies différenciées par rapport aux exploitations de plaine. « L’autre axe de développement consiste à conserver ou développer un portefeuille d’activités agricoles, para-agricoles ou extra-agricoles. »

Pour aller plus loin : www.inst-elevage.asso.fr.

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