Coûts de production, marges, revenu de l’atelier lait Comment font les meilleurs ?
Ayons en mémoire que le revenu n’est pas la seule composante du métier de producteur de lait, comme tous les métiers. D’autres composantes ? Passion, vocation, épanouissement, relations au vivant, autonomie, disponibilité, proximité, responsabilité, relations humaines, position sociale, relation à la nature, attachement au territoire, création de richesses... Mais aussi des contraintes, comme dans chaque métier (paperasse, réglementation, respect des autres, des animaux et de l’environnement, lois de la nature,...). Le Btpl fait ressortir sept points essentiels pour tirer le meilleur profit de l'activité laitière. Explications chiffrées, au service du revenu.
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Rappel des facteurs de création du revenu :
R=[ V x (P – C) ]H
Les facteurs de réussite sont donc :
• Le volume produit V
• Les produits unitaires P
• Les charges unitaires C
• L’Homme H
Comment font ceux qui créent le meilleur revenu ?
Nous observons de bonnes réussites non pas dans un système donné ou une région donnée, mais dans tous les systèmes et toutes les régions.
Le nuage de points Marge Brute €/Ml ci-dessous montre que dans toutes les régions,
• Les écarts de résultats sont considérables
• La répartition des résultats est semblable dans toutes les régions ; toutes les régions ont des bons et des moins bons résultats
• Des résultats, en proportion importante, sont supérieurs, dans toutes les régions, à la moyenne nationale €colait.
Résultats Ecolait 2008 sur 814 élevages conventionnels
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En ce qui concerne la taille des ateliers lait, le graphique ci-dessous montre que le niveau de Marge Brute €/Ml ne dépend pas du volume de lait produit. Les moyennes de Marge Brute /Ml dans les différentes classes de volume sont très proches, et les écarts très importants. Seule tendance visuelle : du côté des gros volumes, les résultats semblent se recentrer autour de la moyenne : valeurs extrêmes de marges allant de 1 à 2 au lieu de 1 à 3 pour les classes de petits volumes.
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L’expertise du BTPL : 7 points essentiels pour tirer le meilleur profit de l’activité laitière
1. La Cohérence du système de production
Adapter ses moyens de production à ses objectifs de production, ou inversement.
Par exemple : amener la moyenne économique et la part de fourrages chers en cohérence.
Quand l’ensilage coûte plus cher que le pâturage, il convient de le valoriser par une production plus forte. C’est le cas en moyenne, comme le montre le graphique suivant :
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La cohérence du système, c’est la cohérence entre les charges, les moyens de production et les recettes :
• Techniques, outils et main d’œuvre correspondant au résultat obtenu
• Bâtiment correspondant aux ressources en main d’œuvre, en paille, et aux possibilités de gestion des déjections
• Intrants achetés, par exemple concentrés et engrais, en rapport avec le niveau d’intensification animale et végétale obtenus et au volume produit
• Troupeau de renouvellement adapté aux besoins et aux débouchés
• Gains en qualité et richesse du lait, en produits viande, optimisation des aides : en adéquation avec les moyens de production.
Il existe au moins 2 méthodes différentes pour créer du revenu :
• La voie « volume de production»
• La voie « maximisation de la valeur ajoutée »
La première correspond à des ateliers de taille supérieure à la moyenne, où la recherche d’un meilleur revenu privilégie en premier lieu le volume produit par travailleur. Vont de pair, une automatisation de plus en plus forte, des solutions peu coûteuses mais efficaces en productivité du travail, et des recettes secondaires parfois négligées (dommages collatéraux). L’endettement est souvent à son maximum. Le volume compense une valeur ajoutée « pas toujours au top ».
La deuxième correspond plutôt à des ateliers de taille moyenne, ou inférieure à la moyenne, où le revenu au temps T ne peut s’améliorer que par la plus grande maîtrise possible des charges et la recherche de la plus forte recette unitaire. Vont de pair une recherche de l’efficacité maximum à chaque litre de lait produit, un raisonnement sévère des investissements, un endettement plus modéré, surveillé de près, et une optimisation des aides. On retrouve ici des exploitations de montagne, des bio, des exploitations basées sur l’herbe et le pâturage en particulier.
Pendant longtemps, les adeptes de cette deuxième voie ont eu peur, avec raison, de la première. En effet, avec des prix élevés et un volume important, un volume important amène un revenu enviable.
Mais avec les prix bas que nous connaissons, c’est l’inverse qui devrait se produire. La voie « volume » a beaucoup plus à perdre et est plus sensible aux baisses de prix que l’autre, c’est mathématique (1).
La cohérence d’un système, c’est que chacun privilégie ce pourquoi il est bien placé.
Troisième voie : bien entendu, ceux qui réussissent à concilier les deux premières voies sont les grands gagnants : beaucoup de volume produit avec une bonne valeur ajoutée à chaque litre. En triant la moitié supérieure des résultats de marge brute par litre et des volumes de lait produit par UMO, il se trouve 23 % des élevages de l’échantillon de départ à être bien placés des deux côtés.
Cette 3e voie est une route semée d’embûches, qu’il n’est pas facile à négocier, avec des équilibres pas faciles à trouver entre productivité du travail et performance à chaque litre de lait produit. C’est surtout là que la cohérence est difficile à préserver. Mais le potentiel de gain est très intéressant !
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2. Le respect des fondamentaux
Quelle que soit la voie choisie, tirer un bon revenu durablement passe par le respect des fondamentaux.
• Valoriser correctement toutes les charges alimentaires
o améliorer la qualité des fourrages utilisés,
o éviter les gaspillages,
o équilibrer la ration en permanence = valorisation animale de la ration, santé
o ne pas oublier de valoriser les surfaces avant les achats extérieurs
• Maîtriser les butyriques et les leucocytes, les mammites, le sanitaire et les pertes de veaux et vaches
o Prévention, hygiène et conditions de logement (place, ambiance)
o Observer et réagir vite (mammites, veaux, pbs métaboliques, …)
• Conduire au mieux le troupeau laitier
o Maîtrise de la fécondité
o Soin aux taries
o Niveau raisonnable de jours improductifs
• Raisonner la fertilisation et globalement les frais aux cultures
o fertiliser en fonction des besoins
o tenir compte des fumures organiques
o profiter des légumineuses
o respecter des rotations avantageuses
• Accorder au troupeau de renouvellement le soin qu’il mérite
o Alimentation des veaux conforme aux plans de rationnement
o Alimentation raisonnée des génisses avec des fourrages de qualité appropriée
Les résultats €colait confirment l’intérêt de respecter les fondamentaux : exemples sous forme graphique ci-dessous.
Les meilleurs en Marge Brute par UMO ont un prix du lait plus élevé grâce à une meilleure qualité du lait (pas d’effet richesse). Puis également des charges d’alimentation des VL et des génisses plus faibles, et globalement les charges opérationnelles de l’atelier lait plus faibles.
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3. Gérer la trésorerie : le nouveau challenge pour les éleveurs laitiers
Depuis l’apparition de l’ADL et la baisse du prix du lait, les rentrées d’argent sur l’exploitation sont passées d’un flux à peu près régulier à une concentration dans les derniers mois de l’année.
Nous avons montré à l’Assemblée annuelle 2005 du BTPL, le 6/01/2006, le problème de trésorerie qui attendait les exploitations laitières, et qui s’est malheureusement révélé exact dans les années qui ont suivi, en particulier en 2007 puis en 2009. Une bonne partie des problèmes récents aurait sans doute été évitée si les DPU avaient été distribués non pas en 1 fois dans l’année, mais en 2, 3 , 4 ou 12 fois.
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Exemple d’exploitation spécialisée en lait de la Loire, 300 Ml de lait vendu sur 63 ha, déjà montré à l’AA du BTPL 2005.
Il apparaît clairement, que même si l’exploitation gagne de l’argent au bilan de l’année, le cumul de trésorerie est négatif pendant 11 mois sur 12.
En période de prix bas, la gestion de la trésorerie en exploitation laitière devient un acte de production aussi essentiel que la traite ou l’alimentation des vaches. Elle contribue à éviter le découragement, parce que l’éleveur sait où il va.
Gérer la trésorerie, c’est quoi dans la pratique ?
• Tenir à jour une prévision de trésorerie, en permanence
• Des crédits court terme ou des ouvertures de crédit plutôt que des agios
• Surveiller les dettes fournisseurs
• Des prêts de trésorerie
• Contracter des emprunts à remboursement annuel de fin d’année plutôt que des emprunts à remboursement mensuel = déplacer les charges qu’on peut à la fin de l’année pour correspondre aux recettes.
• Opter pour la TVA trimestrielle, voire mensuelle, en phase d’investissement en particulier, et dans la majorité des cas sinon
• Mettre de côté en hiver de l’argent pour l’exploitation, pour le ressortir en été, plutôt que de céder à l’investissement-réflexe post-perception des aides
• Pour les plus avertis, c’est aussi créer des produits financiers, si petits soient ils, entre les rentrées et les sorties d’argent.
4. Connaître ses coûts de production et surtout, la rentabilité dans chaque atelier
Avant d’investir, la question posée est souvent : « est ce que je peux me le payer ? ».
Mais en tant que chef d’entreprise, une autre question est incontournable. Cette question logique et professionnelle est : « qu’est ce que ça peut me rapporter ? ». Pour y répondre, il est incontournable de connaître la rentabilité à long terme de chacun de ses ateliers. Et d’anticiper les conditions futures.
Le tout se décline en marges brutes, marges nettes, EBE et revenu disponible, mais aussi en temps de travail et conditions de travail et de vie.
Mais le raisonnement ne serait pas complet s’il ne prenait pas en compte la dimension d’ensemble de l’exploitation. Dès qu’il y a plus que la seule activité laitière, par exemple en polyculture-élevage ou en élevage multiple, la conduite d’un atelier a des conséquences sur les autres. C’est vrai aussi bien pour le travail, pour la mécanisation ou les bâtiments, pour les produits (choix des terres,..), pour les charges de production (paille, déjections animales, éloignement des parcelles, etc…). C’est au chef d’entreprise qu’il revient de faire la synthèse, et de décider ce qui sera profitable en définitive à l’exploitation toute entière.
5. Savoir travailler seul mais aussi travailler ensemble
C’est une des facettes du facteur H.
C’est l’Homme qui fait la réussite, ou pas.
Tirer un bon profit de l’activité laitière ne peut pas se faire sans une bonne efficacité au travail.
La plupart des GAEC qui cassent le font non pas pour des problèmes économiques ou de temps de travail, mais pour des problèmes d’Hommes : l’entente est essentielle, avec ses associés, avec ses salariés, comme avec tout son environnement. Par les années difficiles que nous connaissons, faire de chaque atelier un projet partagé est un rempart important contre des remises en cause impulsives, dans les moments de « baisse de forme », par l’un ou l’autre des associés.
6. Rester confiant et motivé
C’est une autre facette, capitale, du facteur H.
Sans motivation, rien de durable ne se fait.
En période de volatilité des recettes et des dépenses, il est capital de raisonner à plus long terme que ce que l’on vit au quotidien.
Que ce soit en période de vaches maigres, pour garder le moral, ou en période d’euphorie, pour éviter des dépenses qu’on regrette ensuite.
Il est très difficile de rester serein, quand tout l’environnement parle à hue et à dia et que la pression médiatique s’en mêle. C’est dans ces moments-là qu’il est particulièrement important de pouvoir travailler en groupe, avec ses pairs et de manière constructive, objective, dans des réunions Ecolait par exemple, ou dans des journées comme celle-ci. Le groupe €colait est une force, un soutien moral, un lieu pour échanger de préoccupations techniques, économiques, ou stratégiques, pour progresser.
« Avec 9 milliards d’humains sur terre, le métier d’agriculteur est un métier d’avenir » Jean Viard, sociologue français.
7. Répondre aux attentes de l’aval
C’est aujourd’hui indispensable, c’est ce qui permet de transformer une réussite en réussite pérenne.
Qu’il s’agisse du lait ou des autres productions, nous savons qu’il n’y a pas de réussite durable à contre-courant des demandes de l’aval. Le témoin le plus ancien en est la qualité du lait. Et aujourd’hui, les chartes de qualité, la traçabilité, la saisonnalité, et pour certains les oméga 3 ou encore la production Biologique.
Produire ce qui se vend plutôt que vendre ce que l’on a produit.
(1) Les adeptes du « volume de production » ont plus à perdre que les autres en période de prix bas : démonstration. A produit 350 Ml avec un revenu disponible de 70 €/Ml, soit 24 500 €. |
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