Login

Agriculture biologique et changements climatiques Nouveaux défis alimentaires, énergétiques et environnementaux

Pourquoi l’Etat peut-il légitimement intervenir en matière agricole ? C’est en filigrane la question à laquelle répond Hervé Guyomard, directeur de recherches à l’Inra, en appliquant la question à l'agriculture biologique.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

 


Pour l'agriculture biologique « l’Etat a trois moyens d’actions :
agir sur les conversions (mesures temporaires), ou plus
durablement, agir sur l’offre ou agir sur la demande »
résume Hervé Guyomard, directeur de recherches à l’Inra,
ici lors de Dinabio (1). (© C. Zambujo, Terre-net Média)
La première légitimité de l’Etat à intervenir dans l’agriculture est de garantir une stabilité des cours, la seconde de protéger l’environnement et la troisième, de participer au développement territorial. « C’est un vrai pouvoir de marché. La stabilité des cours est indispensable pour nourrir la population et offrir une sécurité alimentaire à tous. L’environnement aujourd’hui est un bien public et il n’a pas de marché rémunérateur ; l’Etat doit donc intervenir et jouer le rôle de régulateur public. Enfin, il doit aussi veiller à une occupation du territoire harmonieuse » détaille Hervé Guyomard (1).

 

Une fois les objectifs définis, il convient de fixer le coût de cette garantie alimentaire pour l’ensemble de la société. C’est tout l’enjeu des soutiens agricoles. « Un économiste dira qu’il vaut mieux cibler les instruments, c’est à dire les moyens pour aboutir à cet objectif plutôt que la cible (les agriculteurs), qui aurait un effet annexe sur les autres populations. »

Quid du soutien à la bio ?

Maintenant, la question est de savoir si l’Etat a vocation à soutenir l’agriculture biologique (AB) spécifiquement. Sur l’environnement, « le bilan est en faveur de l’AB par rapport à l’agriculture conventionnelle, hormis un bémol : la bio a obligation de moyens mais pas de résultats », poursuit Hervé Guyomard. Vis-à-vis de l’économie, la bio nécessite davantage de main d’œuvre et de surfaces, mais implique des rendements plus faibles par rapport au conventionnel. « La question se tourne donc vers la valorisation des produits et/ou une aide apportée pour réduire cet écart. » enfin, vis-à-vis des problèmes sociaux, la bio offre un débouché important pour l’emploi et pose clairement la question du rôle de l’agriculture en général dans le développement des territoires ruraux.

« Mais attention, ceci n’est qu’une vision partielle des choses qui ne tient pas compte des défis alimentaires, environnementaux et énergétiques qui se posent aujourd’hui. »

Comment intervenir ?

« L’Etat a trois moyens d’actions : agir sur les conversions (mesures temporaires), ou plus durablement, agir sur l’offre ou agir sur la demande » détaillait Hervé Guyomard.

 

Dans une conjoncture de prix élevés, la bio aura plus de difficulté se développer et demandera encore plus de soutien public.

Sur l’offre, deux arguments peuvent être mis en avant. D’une part, celui de l’industrie naissante : pour bénéficier d’un effet de masse et d’augmentation des volumes permettant de réduire les coûts de la filière bio par rapport aux autres filières occupant le même segment, l’Etat a toute légitimité pour favoriser cette industrie naissante synonyme par ailleurs d’emploi et d’innovation. D’autre part, l’Etat peut aussi choisir de rémunérer le service environnemental apporté par la bio. « Mais cette voie suppose d’avoir défini les droits de propriété du sol. »

 

Sur les actions favorisant et développant la demande en produits bio, l’Etat peut légiférer en matière de normes et peut édicter des lois fixant des minimas. L’incorporation obligatoire de 20% de produits bio dans la restauration collective à l’horizon 2012, fixée par le Grenelle, entre dans ce cadre. « Pourquoi pas !, s’exclame Hervé Guyomard. Mais la question est de savoir si c’est efficace et par rapport à quel objectif. Si l’objectif est d’agir sur la demande, il faut préciser si l’offre bio doit être produite en France ou si l’Etat se réserve le droit d’augmenter les importations pour atteindre ces 20%. Si l’objectif est d’agir sur l’environnement et de promouvoir la production domestique, parce qu’il est clair que cela a un effet positif sur l’environnement, alors cette voie n’est pas la bonne. Il vaut mieux jouer sur l’offre pour avoir un véritable effet environnemental. Cela suppose que dans les années à venir, pour parvenir à ce 20%, l’Etat sera peut être obligé de mettre en place des mesures permettant d’influer le niveau de production domestique. Sinon, l’effet de cette mesure sera d’augmenter les importations. C’est exactement le même mécanisme de réflexion pour les agrocarburants. » 

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement