Michel Baussier, secrétaire général au Conseil supérieur de l’ordre des vétérinaires (CSOV) « Il y a beaucoup d’argent à gagner pour les éleveurs dans une approche globale préventive »
Le nouveau décret paru en avril dernier sur la prescription des médicaments vétérinaires offre des opportunités pour instaurer une autre forme de relations entre éleveurs et vétérinaires. « Que chacun ne laisse pas passer cette occasion. »
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Nathalie Petit (NP), web-agri.fr : Quel est le principal changement, concernant la prescription des médicaments vétérinaires, apporté par le dernier décret du 24 avril 2007 ?
Michel Baussier (MB), vétérinaire praticien, secrétaire général du conseil supérieur de l’ordre des vétérinaires : La règle qui prévalait jusqu’au 24 avril dernier relevait d’un principe fondamental du Ministère de la santé, à savoir que toute prescription de médicaments, toute proposition de traitement ne pouvait intervenir qu’à l’issue d’un diagnostic, après examen du malade, de l’animal en l‘occurrence. Du moins lorsque le médicament est inscrit sur une des listes de substances vénéneuses, ce qui représente 85% des médicaments prescrits par les vétérinaires. Ces règles imposées par la santé publique ont trouvé leurs limites dans les productions animales qui relèvent d’une médecine collective, dans une situation de prévention de la maladie. Tous les actes que nous réalisons régulièrement au sein des élevages nous offrent une bonne appréhension de leur problèmes. Alors qu’ils avaient une bonne connaissance de l’élevage, certains vétérinaires ont pu être poursuivis pour avoir prescrit sans respecter cette règle. Depuis de nombreuses années, les vétérinaires avaient demandé à ce que ce dossier soit assoupli pour les productions d’élevage. Grâce à ce texte, cette règle ne s’applique plus aux vétérinaires. Mais elle reste vraie pour les animaux de compagnie.
NP : Il est question d’un bilan sanitaire annuel (Bse), est ce à visée de démarche préventive dans les élevages ?
MB : Le fait que les vétérinaires demandent à s’exonérer de cette règle de prescription après examen était choquant du point de vue des médecins. Il est pourtant reconnu que le vétérinaire "traitant" possède la connaissance suffisante de l’élevage. Mais des garanties ont été apportées pour attester du suivi permanent de l‘élevage. Ainsi, cette possibilité de délivrer une ordonnance au cabinet du vétérinaire, sans examen, sera possible sous plusieurs conditions. Les éleveurs devront avoir choisi un vétérinaire traitant inscrit dans le registre d’élevage. Un audit devra être réalisé chaque année, formalisé dans un bilan sanitaire annuel. A l’issue de l’audit, le vétérinaire élabore protocole de soins global préventif (vaccins, prévention antiparasitaire, augmentation de la fertilité,…) adapté à l’élevage. Audit, protocole de soins et une visite annuelle de suivi sont les pré requis pour que le vétérinaire soit en situation de pouvoir prescrire au cabinet un certain nombre de médicaments. Ces actes nouveaux interviennent en sus des soins courants effectués dans l'élevage. Les bénéfices sont beaucoup plus larges. L’anticipation sur les solutions à mettre en œuvre dans les élevages devrait inciter éleveurs et vétérinaires à sortir de leur seule optique d’urgentiste. Il y a des élevages qui ont adopté cette démarche, environ 20% dans ma clientèle mais il va rester à étendre cette façon de travailler à la majorité des éleveurs.
NP : Quelles répercussions positives peut on en attendre dans les relations éleveurs vétérinaires ?
MB : La sortie de dispositif créé un événement de nature à favoriser un nouveau partenariat entre les éleveurs et les vétérinaires traitants. Que chacun ne laisse pas passer cette occasion d’instaurer une nouvelle forme de relation avec son vétérinaire. Chacun bien souvent ne prenait pas le temps de travailler de façon globale et préventive en élaborant un protocole formalisé à partir d’un bilan sanitaire. Quand on fait aux éleveurs la proposition d’une approche collective globale, ils sont peu nombreux à en percevoir l’intérêt. Sauf lorsqu’ils traversent une période de crise, des actions sont alors planifiées et suivies pendant un an, deux ans et dès que les résultats redeviennent bons, la démarche est laissée de côté. Je suis pourtant convaincu qu’il y a beaucoup d’argent à gagner pour les éleveurs dans cette approche globale. La formalisation écrite du bilan sanitaire va permettre de mesurer les améliorations obtenues dans les élevages grâce aux approches préventives globales : des clignotants vont s’allumer dans les exploitations. Il y a un travail d’explication et de persuasion à réaliser autant chez les éleveurs que chez les vétérinaires. Peut être également que les contrôles sanitaires qui vont commencer dès la fin de l’année chez les éleveurs comme chez les vétérinaires vont inciter à adopter cette démarche globale. Je pense en outre que cette manière de travailler peut être de nature à réintéresser de jeunes vétérinaires aux productions animales.
NP : Le second volet du décret porte sur la délivrance des médicaments vétérinaires, quels sont aussi les changements concrets pour les éleveurs ?
MB : Les deux actes sont bien distincts. La prescription est un acte médical formalisé par la rédaction d’une ordonnance. La délivrance du médicament est un acte pharmaceutique.
Juridiquement les pharmaciens sont les premiers ayant droit. Les éleveurs, qui ont toujours eu le choix, ont préféré acheter leurs médicaments auprès de leurs vétérinaires.
Les pharmaciens ont fait un procès d’intention aux vétérinaires pensait que l’inscription « renouvellement interdit » était une façon de capter le marché. Or, il s’agissait pour les vétérinaires d’une obligation légale. Cette dimension n’est pas étrangère au temps qu’il a fallu pour voir paraître de décret, qui est sous la dépendance du Ministère de la santé. Or dès aujourd’hui, les ordonnances de médicaments préventifs sont toujours renouvelables pendant un an et concernent les antiparasitaires, les vaccins, produits d’hygiène de la traite,…
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