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Jacques Morineau, éleveur à Chantonnay (85) « Maintenant, il nous faut du stock d’été, c’est la nouvelle donne »

« Nous avons modifié tout notre système fourrager pour le rendre capable de passer tous les aléas climatiques », témoigne Jacques Morineau, associé au Gaec Ursule. Nouvelles espèces fourragères, associations dactyle luzerne, pâturage de céréales, des pistes validées par le Gaec et susceptibles d’intéresser d’autres exploitations.

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« La chaleur, installée ces dernières années, nous préoccupe bien davantage que la sécheresse », intervient Jacques Morineau, éleveur au Gaec Ursule de Chantonnay (85), lors du dernier congrès de l’Association française pour la production fourragère(*). « Nous avons toujours connu des sécheresses mais l’augmentation de chaleur est très sensible et commence dès le mois de juin. Aussi, ces dernières années, nous nous sommes attelés à bâtir un système fourrager qui résiste aux aléas climatiques et nous sommes redevenus entièrement autonomes en plan alimentaire. » Producteur laitier avec un quota de 468.000 l en race Prim’holstein, le Gaec est certifié en agriculture biologique depuis 1998 et assure une autonomie alimentaire totale de l’élevage bovin à 1,3 Ugb/ha.

« Nous avons en partie remplacé le maïs, roue de secours de notre système, par le sorgho fourrager et les mélanges céréaliers dont l’avoine constitue la majeure partie. Le sorgho est très intéressant. En outre, il valorise très bien les pluies d’orage, il assure toujours de 7 à 10 tonnes de matière sèche (MS). Chez nous, il est pâturé ou utilisé en affouragement s’il s’avère trop abondant ou trop éloigné. »

Le Gaec a également revu la conduite des prairies. « Ce qui était préconisé jusqu’à alors ne fonctionne plus du fait de la chaleur qui arrête la production de la prairie. Nous utilisons des associations de type graminées légumineuses qui tolèrent mieux la sécheresse et des températures élevées. L’association dactyle luzerne fonctionne très bien chez nous, à tel point que nous en avons implanté 32 ha. La production de ces prairies est  double de celle des plus traditionnelles ray grass, dactyle, trèfle blanc. En 2006, elle a été de 10-12 tonnes de MS contre 4 à 8 pour les mélanges ray grass dactyle trèfle blanc. »

Deux litres de lait de plus par vache


« Je recommande à tous les projets d’installation aujourd’hui d’implanter un demi à un hectare de bois systématiquement sur la surface attenante d’un bâtiment », témoigne Jacques Morineau, du Gaec Ursule à Chantonnay (85). (© Jacques Morineau)

Le Gaec a mis en place des cultures de mélanges céréaliers à double vocation de pâturage et de fourrage. Ainsi des mélanges du type avoine-pois-vesce ou avoine vesce trèfle incarnat qui optimisent la pousse de printemps et fournissent un fourrage de conserve (ensilage ou enrubannage, voire foin) distribué aux vaches laitières en période sèche. La récolte se fait dès la fin du mois de mai.

« J’estime que l’avoine a de meilleures capacités de repousse que le triticale. Cela dit, j’ai fait un test sur 50 ares triticale en pâturage. Nous ne faisons que remettre au goût du jour des pratiques très anciennes d’élevage où le pâturage hivernal de prairies et de céréales était commun. Nous avons trop tendance à faire table rase des pratiques du passé, qui ne sont pas à reproduire mais à réadapter au contexte. »

A l’automne, la saison de pâturage est optimisée et des parcelles semées en colza fourrager sont pâturées jusqu’en décembre-janvier. Les parcelles de luzerne sont également pâturées pendant l’hiver. « Et depuis 5-6 ans, nous avons redécouvert l’intérêt du trèfle incarnat pour l’hiver. »

Affouragement luzerne dactyle


« Personnellement, j’estime que l’affouragement en vert est beaucoup plus intéressant que l’ensilage d’herbe », relate Jacques Morineau. L’éleveur qui tente le plus possible de maximiser les pâtures (prairies, céréales, colza fourrager en automne), a parfois des besoins tampons. « Certes, nous faisons de l’ensilage de maïs, d’herbe et de céréales. » L’affouragement en vert se situe dans une stratégie de diversifier les ressources pour être capable de passer tous les aléas climatiques mais également de bénéficier d’un apport « en vert ». « J’ai clairement observé que l’affouragement en vert, en substitution d’un fourrage conservé, nous rapporte directement 2 litres de production par vache supplémentaire. Concrètement, nous allons faire pâturer les vaches laitières jusqu’à 1 km de l’exploitation. Les pâtures de luzerne dactyle qui sont à 5-6 kms nous permettent d’assurer un affouragement en vert au bon moment. Ainsi cette année, au 15 mars, les parcelles n'étaient pas en condition d'être bien pâturées. Pour autant, nous avons fermé le silo de maïs et complété la ration de pâturage avec de l'affouragement en vert, évitant de garder le silo ouvert et profitant des bénéfices pour la santé et la production de cette ressource alimentaire. »


Pour Jacques Morineau, du Gaec Ursule et président du Réseau agriculture durable (Rad) pour toute la moitié ouest de la France, conduite biologique, autonomie et efficacité économique vont de pair. Aujourd’hui, le Gaec dégage un Excédent brut d’exploitation de 55 000 € par associé. (© Jacques Morineau)

« Aussi avons-nous investi dans une auto chargeuse, qui nous permet d’aller chercher le fourrage sur les luzernes dactyle pour le distribuer en complément de la pâture. Nous aurions pu choisir l’option d’investir dans une salle de traite mobile pour valoriser les pâtures éloignées de l’exploitation, mais dans notre système, nous avons préféré l’option de la mécanisation. Car nous avons des plantations d’arbres autour de la stabulation, qui sont à mon sens essentielles. L’été, les vaches laitières sont sous les arbres, où la température est 10 à 15°C inférieure et nous leur apportons un enrubannage. Cela leur permet de s’alimenter. Car à des températures de 30-35°C, les vaches laitières ne mangent plus. »

Croisement Holstein Jersiaise

« Nous avons par ailleurs un gros problème de la tenue à la chaleur des bovins. Nous en sommes venus aux croisements de nos Holstein avec de la Jersiaise pour retrouver la rusticité nécessaire pour faire face aux aléas du climat. » Une audace qui mérite quelques explications. « La sélection forte sur les performances ces trente dernières années s'est accompagnée d'une baisse de la rusticité. Certes, la Prim Holstein possède une bonne transformation des fourrages mais une moindre résistante aux fortes contraintes climatiques. Nous ne sommes pas les seuls à avoir fait des essais de croisement avec la Jersiaise. Nous avons pour la première année des génisses F1 et nous en resterons à la F1. Il nous faut observer, creuser. » A ce jour, Jacques Morineau ne peut pas se prononcer, il semble constater une grande variabilité et une hausse plutôt préjudiciable du TB.

Au Gaec Ursule, le maïs continue d’être cultivé, car mêmes ces dernières années, il a réussi à fournir 7 tonnes de matière sèche au minimum. « En cela, notre mode de production biologique nous assure une meilleure résistance des plantes à la sécheresse. J’ai eu l’occasion de l’observer à plusieurs reprises. En 2003, nous avons connu un mois de juillet correct et une chaleur écrasante en août. Les maïs irrigués de nos voisins avaient totalement brulé et ont du être ensilés le 16 août, les nôtres sont restés verts à notre grande surprise. L’an dernier, nos rendements en céréales en bio ont été supérieurs à ceux de nos voisins en conventionnel, car nos céréales n’ont pas blanchi. »

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