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Adaptation à la sécheresse Pâturer en hiver, préparer des stocks pour l’été

Les changements climatiques ont des conséquences sensibles sur les systèmes herbagers. Dans l’avenir, les éleveurs devront s’adapter en adoptant une autre conduite des prairies dont le pâturage hivernal, la réalisation de stocks autant pour l’été que pour l’hiver.

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Augmentation des précipitations hivernales, déficit hydrique accentué dès les mois de mai-juin et plus prononcé durant l’été, augmentation des températures, sont les grandes tendances qui semblent se dessiner à moyen terme, selon un consensus général des prévisionnistes climatologues.


Un pâturage plus précoce, plus tardif dans la saison, mais également en plein hiver, est à envisager (© Web-agri)
Pour autant, le rendement total fourni par les prairies ne devrait pas varier de manière significative, même à une échelle de long terme (2070-2100), de l‘ordre de 0,3 tonnes de matière sèche par hectare. En revanche, il est vraisemblable que l’on s’achemine vers un changement des périodes de pousse : plus d’herbe au printemps et en automne et l’été une production aléatoire avec une forte incertitude sur la reprise effective à l’automne en fonction de l’intensité de la sécheresse estivale. C’est ce tableau synthétique qu’ont brossé experts et spécialistes réunis lors du dernier congrès de l’Afpf (Association française pour la production fourragère) à Paris les 27 et 28 mars derniers.

Pâturer du triticale en hiver

Chercheurs, techniciens et éleveurs sont déjà en train de mettre en place ou de tester un cortège d’adaptations concrètes dans les systèmes d’élevage, tous les éléments de flexibilité seront explorés et exploités. « Les systèmes strictement herbagers qui sont de loin les plus vulnérables, comme l’ont montré les récentes années sèches, doivent développer des systèmes d’autoprotection », résume Gilles Lemaire, de l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) de Lusignan (86). Pour lui, la première des mesures à prendre est la baisse du chargement. Et de nouvelles composantes vont apparaître. « La valorisation du pâturage hivernal sera la grande nouvelle donne », estime également Gilles Lemaire.

Evolutions climatiques prévues pour la période 2070-2100

Jura, montagnes de l’est : très forte augmentation de la température et fort déficit hydrique en été
Régions du sud ouest et de l’ouest du Massif central : accentuation maximale de la contrainte hydrique, il pleuvra moins en toutes saisons, accompagnée d’une très forte augmentation des températures.
Nord atlantique, côtes de la Manche : région la moins touchée par la sécheresse avec une augmentation de précipitations importante en hiver, évolution des températures pouvant être assez élevée.
Centre ouest et centre est :diminution des précipitations au printemps et en été, l’augmentation des températures pourrait également être assez élevé
Source : « Premiers éléments de prospective sur les conséquences des changements climatiques au niveau des prairies et du maïs », Jean-Christophe Moreau, T. Levet, Institut de l’élevage Toulouse, Josiane Lorgeou, N. Da Silveira, P. Peries, Arvalis, Institut du Végétal, Afpf, Paris, mars 2007.

 Une donnée partagée par tous les intervenants, un pâturage plus précoce, plus tardif dans la saison, mais également en plein hiver, est à envisager. Finalement la tendance ira vers un allongement de la période de pâturage. Des travaux ou des expériences concrètes ont par ailleurs révélé la pertinence du pâturage de céréales en hiver : triticale, avoine. « Jusqu’en avril, on peut pâturer du triticale et conserver malgré tout un rendement en grains non négligeable jusqu’à 39 quintaux/ha », présente Gilles Lemaire. « Cette alimentation assure la même production de lait qu’une prairie pâturée en hiver. »
« Dans les zones strictement herbagères, il sera nécessaire de constituer un stock de report de fourrage sec de l’ordre de 0,5 à 1 tonne / Ugb »,
préconise André Pflimlin, de l’Institut de l’élevage. Et de rappeler que lors de la sécheresse de 2003, les exploitations bio et herbagères strictes ont été les plus touchées, avec respectivement en moyenne sur la France un déficit de 1 tonne et de 640 kg de matière sèche par Ugb.
Chacun ensuite devra adapter ses solutions à son parcellaire et sa région climatique. Ainsi, la pratique de la pâture des reports sur pied en été, quoique intéressante, ne fonctionne pas dans toutes les zones géographiques. Le changement des compositions prairiales est une autre voie d’adaptation tout à fait intéressante. Ainsi, plusieurs intervenants ont montré du doigt l’intérêt des prairies multi-espèces (mélanges associant plusieurs graminées et plusieurs légumineuses) pour maintenir un niveau de production en conditions de déficit hydrique estival que ce soit pour la pâture ou la fauche. «La production de matière sèche annuelle des prairies multi-espèces est toujours supérieure à celle de l‘association ray grass anglais trèfle blanc », présente Sabine Battegay, ingénieur régional Arvalis - Institut du végétal à Rennes. « Et l’écart de production peut atteindre 80% en conditions de sécheresse estivale marquée. » Ces compositions devront être adaptées en fonction du type de sol et du mode d’exploitation propre à chacun.

Centrer les vêlages autour du 1er octobre

La luzerne, assez négligée dans bon nombre de régions en tant que ressource fourragère, devrait connaître un regain d’intérêt, seule ou en association. « Autre piste d’adaptation : le recours à la fauche précoce, tant sur les parcelles excédentaires du pâturage de printemps que sur une part des prairies fauchées accroît la résistance des systèmes à des sécheresses précoces de fin de printemps début d’été », souligne Sabine Battegay.
Au niveau du troupeau, plusieurs possibilités s’offrent aux éleveurs pour s’adapter à une sécheresse récurrente et prévisible : retarder l’âge à la 1ère mise bas, adapter la période de vêlage par exemple. « En races laitières, les vêlages d’automne, à l’idéal centrés sur le 1er octobre, permettent non seulement de limiter la demande absolue en énergie l’été (la moitié des Ufl nécessaires lors des vêlages de printemps) mais permet d’utiliser des rations moins concentrées en énergie (0,6 à 0,7 Ufl/kgMS) », relate Eric Pottier, de l’Institut de l’élevage de Haute Vienne. Selon les races, une certaine flexibilité pourra être recherchée chez les animaux. « Suite à une restriction alimentaire entre 0 et 14 mois, les primipares normandes conservent le même poids à 3 ans par rapport à un profil de croissance normal, tandis que les les primipares Holstein pèsent 36 kg de moins. »
Enfin, Gilles Lemaire a fait remarqué que la vulnérabilité des systèmes herbagers de montagne ou semi montagne avait été sévèrement accentuée par l’abandon de la petite céréaliculture. Dans des conditions climatiques difficiles, les systèmes mixtes herbagers cultures s’en sortent beaucoup mieux.

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