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Recherche Aoc pélardon, émergence d’une filière

La mise en place d’une Appellation d’origine contrôlée fait évoluer les possibilités commerciales des entreprises laitières et des producteurs fermiers, et conduit à des adaptations des systèmes de production. Les chercheurs de l’Inra ont étudié ces dynamiques dans le cadre d’une jeune Aoc de fromage de chèvre du sud de la France, le pélardon, dont le décret a été publié en août 2000.

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Les chercheurs de l’Inra ont ainsi  montré que l’Aoc constitue un moyen d’accès aux marchés nationaux, mais qu’elle est peu valorisée sur le marché local. Sa mise en place rend nécessaire la conception de nouvelles coordinations entre les entreprises et les éleveurs. Enfin, l’Aoc conduit à un redéploiement vers des techniques de production plus pastorales.

 La mise en valeur de la spécificité des productions agricoles devient un enjeu fort tant pour les producteurs et les responsables politiques, en termes de développement territorial, que pour les consommateurs, en termes de préservation d’un patrimoine culturel, et les entreprises agroalimentaires en termes de segmentation du marché.


Syndicat des producteurs de pélardons (© /JL Girod)

L’Aoc pélardon

Le pélardon est un fromage de chèvre traditionnel des Cévennes. En 1994, pour sortir notamment de la crise qui sévit et se protéger des fabrications hors zone, les producteurs et les transformateurs demandent l’Aoc et le décret est publié en août 2000.
Le règlement technique de l’Aoc pélardon met en avant l’image du terroir. Il incite à l’utilisation du pâturage  et interdit l’utilisation de caillé congelé, En 2004, 109 producteurs sont entrés dans la démarche Aoc, dont 73% sont des éleveurs fermiers fabriquant et écoulant eux-même leur production. La filière compte 4 transformateurs et/ou affineurs, deux coopératives et deux entreprises privées, collectant le lait de 10 à 30 producteurs. La production est en 2004 de 220 tonnes. Dans le cadre d’un projet en partenariat, les chercheurs étudient les changements générés par la mise en place de la filière. Ils ont organisé un dispositif pour mettre en discussion leurs travaux tout au long du déroulement du projet1 et accompagner ainsi ce processus de transformation.

L’utilisation du signe de qualité Aoc dans l’organisation de la filière

Depuis sa mise en place, les entreprises laitières ont utilisé l’Aoc pour développer leurs ventes au delà de la zone traditionnelle de consommation du pélardon, en utilisant le débouché de la grande distribution. L’une d’entre elle s’est associée à une structure  de niveau national, capable de négocier avec les centrales d’achat et pouvant assurer la logistique de distribution du produit (économies d’échelle).
Les gros producteurs de fromage fermier ont renforcé leurs ventes dans la grande distribution régionale, alors que les petits producteurs fermiers ont continué de vendre leur production dans des circuits courts locaux, sur un marché où ils ne sont plus en concurrence avec les laiteries car celles-ci vendent sur le marché national.
On aboutit donc à un résultat assez paradoxal où les plus petits producteurs de fromage fermier, qui sont pourtant à la base de l’image d’authenticité du Pélardon, ne valorisent pas l’Aoc sur le marché local, où la relation de confiance a un impact plus fort que le signe officiel de qualité. Cependant,  certains d’entre eux explorent des voies de commercialisation sur des circuits longs alternatifs à la grande distribution : grossistes spécialisés approvisionnant des crémiers de grande ville et des restaurateurs en produits de qualité. Le pélardon est donc aujourd’hui un fromage spécifique, dont la reconnaissance en Aoc est utilisée de façon différente par les différents acteurs, dans des circuits différents et complémentaires.

De nouvelles coordination entre éleveurs et laiterie

Le cahier des charges de l’Aoc interdisant l’utilisation de caillé congelé, supprime le principal moyen utilisé par les laiteries de compenser les variations saisonnières de la production laitière. Les entreprises fromagères doivent donc gérer en temps réel l’ajustement entre la saisonnalité des approvisionnements et celle des ventes. Les chercheurs ont montré qu’il est possible de trouver des  complémentarités entre les systèmes de production présents sur le bassin de collecte. Pour résoudre le problème du maintien de  l’approvisionnement entre juillet et décembre, les systèmes de production traditionnels (produisant de février à novembre) sont complémentaires des systèmes de production désaisonnés (produisant d’octobre à août). L’utilisation de certains savoirs-faire traditionnels des éleveurs permettant de gérer une diversité de ressource pâturée pour maintenir en été la production de leur troupeau s’avère un enjeu pour la gestion de la collecte.
La question actuelle est de formaliser ces savoirs-faire, et de mettre en place un dispositif de coordination pour gérer dans le temps l’ajustement entre l’évolution de la collecte et celles des systèmes techniques. Ces évolutions du sens des pratiques renouvellent les échanges entre les producteurs et les voies de conseil techniques aux exploitations.



(© Syndicat des producteurs de pélardons)
L’identification du produit comme produit de qualité, reconnue officiellement, a consolidé le changement de statut du pélardon, passant du statut d’un produit de base au statut d’un produit de qualité haut de gamme. Ce changement a permis aux producteurs de pélardon ainsi qu’à leurs savoirs-faire d’être reconnus auprès des instances politiques et agricoles aussi bien nationales que régionales. Il est donc fort probable que d’adhésion des producteurs fermiers à la démarche Aoc augmente dans les années qui viennent, et que ce signe de qualité soit utilisé non plus seulement comme une clé d’entrée dans la grande distribution, mais comme un moyen de reconnaissance de savoir-faire professionnel au delà de la région de production.

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