Fièvre catarrhale : 64 génisses euthanasiées au nom du principe de précaution

Au nom du principe de précaution, 64 génisses Holstein ont été euthanasiées sur le port de Marseille, le 6 septembre dernier. L’annonce du premier cas de fièvre catarrhale ovine (FCO) en France, alors que les deux camions les transportant étaient sur un bateau à destination du Maroc, a signé leur arrêt de mort !

Incroyable, absurde, lamentable, etc. : on ne sait pas trop quel qualificatif retenir pour cet épisode lié à l'épizootie de la fièvre catarrhale qui a touché l'Europe de l'Ouest fin août.

Chronologie des évènements

Mardi 29 août, en fin d'après-midi, 64 génisses Holstein gestantes sont embarquées sur 2 camions à destination du port de Marseille en vue d’être exportées vers le Maroc.
Ces génisses, issues de différentes régions françaises, avaient été regroupées dans un centre d’allotement de la coopérative Gènes Diffusion, près d’Arras (Pas de Calais). Elles font l’objet de certificats sanitaires en bonne et due forme, validés par la Direction des services vétérinaires du Pas de Calais.

Mercredi 30 août, au matin, les camions arrivent à Marseille et sont embarqués en fin d’après midi sur un bateau à destination du Maroc, avec l'aval des Servives vétérinaires locaux. Le bateau quitte le Port de Marseille vers 20h30.

Jeudi 31 août, en matinée, un communiqué du ministère français de l’agriculture fait état d’un premier cas de fièvre catarrhale ovine (FCO) sur vache laitière en France, dans les Ardennes.

Vendredi 1er septembre, en soirée, les autorités marocaines refusent le débarquement des animaux à Casablanca, au motif que la France n'est plus indemne de FCO. Les camions sont consignés et réorientés vers Marseille, sans même qu'aucun affouragement ne soit embarqué pour le voyage retour.

Samedi 2 septembre, après-midi, la Dgal notifie au transitaire de devoir se préparer pour l'euthanasie de 64 bovins, au motif que leur importation en provenance du Maroc est interdite par la réglementation eu égard, notamment, au statut Fièvre aphteuse dans ce pays.

Mercredi 6 septembre, à l'aube. Euthanasie des 64 animaux et équarrissage, tout ceci aux frais de l’importateur en vertu d’un article du Code Rural, et sous contrôle d’une sécurité renforcée autour du port "compte tenu de la gravité de la situation…" !

(Source : Gènes Diffusion)

Réfoulées par le Maroc... puis la France !

Après leur périple en Méditerranée (voir chronologie des faits dans l'encadré), les 64 génisses commercialisées par Gènes Diffusion, refoulées par les autorités marocaines, sont de retour sur le port de Marseille le samedi 2 septembre.

"Nous avons alors tenté de négocier avec la Dgal*, commente François Desmons, directeur de Gènes Diffusion. En vain."
"Le mardi en fin d'après-midi, nous avons formulé deux propositions très précises" - poursuit le directeur de Genes Diffusion : "soit laisser les animaux en quarantaine à Marseille, le temps de contrôles sanitaires supplémentaires, en vue de leur réorientation comme animaux reproducteurs vers d’autres destinations. soit l'abattage le plus prêt possible du Port, mais avec valorisation des carcasses pour réduire le coût global de cette triste opération".

Ce sera un refus de chacune de ces deux propositions par la Dgal et au final donc, l'euthanasie des 64 génisses gestantes.

Du côté de la Dgal, on affirme être intervenu très tôt sur le dossier : "Dès que nous avons été informé du problème, à 16h36 le 1er septembre, nous avons cherché à joindre le responsable des services vétérinaires marocains pour essayer de trouver une solution, notamment en proposant une quarantaine sur place. Il n'a pu être joint que vers 19h00 et il y a eu refus de nos propositions." Apparemment, les marocains, déjà aux prises avec la FCO, ne souhaitaient pas prendre le risque d'introduire chez eux le sérotype 8 de la maladie, qui ne serait pas présent au Maroc.

Quand à une éventuelle quarantaine au retour en France, ce sont donc les services vétérinaires français qui ont refusé.

Toujours selon la Dgal, "d'après la configuration du bateau, nous n'avions aucune certitude que le camion n'ait pas foulé le sol marocain et nous ne voulions pas prendre le risque de réintroduire la fièvre aphteuse en France".

Le devenir du commerce de génisses en question

Côté financier, Gènes Diffusion estime le préjudice de cette opération à 200.000 euros. Outre le règlement des génisses aux producteurs, le regroupement au centre d’allotement, les frais sanitaires, de transport (aller et retour, immobilisation des camions), etc., les frais d'euthanasie et d'incinération sont aussi à sa charge !

Estimant ne pas avoir à supporter cette charge dont les causes lui ont été imposées, la coopérative de Douai a interpellé les pouvoirs publics, sans résultat à ce jour.

Dans un contexte où le commerce des animaux vivants est de plus en plus difficile, avec des législations sur le transport ou le bien être animal toujours plus contraignantes, ce genre de péripétie est de nature à remettre en cause l'activité commercialisation d'animaux au sein de Gènes Diffusion, pourtant l'opérateur le plus important de ce secteur d'activité en France. "Un secteur qui perd régulièrement de l'argent, et donc maintenu comme un service apporté aux éleveurs, et non comme source de profits..." La coopérative du Nord a d'ailleurs cédé récemment sa filiale spécialisée aux Pays-Bas...

* : Direction générale de l'alimentation (Dgal), direction du Ministère de l'agriculture dont dépendent les Services vétérinaires en France

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