Grippe aviaire L'Europe veut en savoir plus avant le retour des migrateurs
L'Europe veut en savoir plus sur le rôle des oiseaux migrateurs dans la dissémination de la grippe aviaire, avant leur retour d'Afrique au printemps, pour savoir si elle doit encore renforcer le dispositif déjà considérable mis en place pour parer à la menace.
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A la demande des Nations unies, le Centre de coopération internationale de recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et l'association néerlandaise Wetland International ont envoyé des experts faire des prélèvements dans treize zones d'hivernage des oiseaux, dont neuf en Afrique. Objectif: déterminer si les oiseaux arrivés de Sibérie, via la Turquie, ont pu contaminer d'autres oiseaux qui repartiront, eux, nicher en Europe. "Certaines des grandes zones humides d'Afrique, comme la vallée du Nil, le grand Rift, la boucle du Niger ou l'embouchure du fleuve Sénégal, constituent de véritables +hubs+ qui accueillent des oiseaux de différentes provenances. Le risque est donc d'y assister à une contamination de nouvelles espèces qui repartiront au printemps vers d'autres directions", explique Renaud Lancelot, directeur scientifique au département "élevage" du CIRAD.
L'implication des oiseaux migrateurs dans la dissémination de la grippe aviaire reste toutefois toujours sujette à débat dans la communauté scientifique. Les ornithologues font valoir qu'un animal contaminé n'aura pas la force de couvrir les vastes distances d'une migration: chez le poulet, le virus est tellement fulgurant que la mort de l'animal intervient dans les 24 heures. La multiplication des foyers en Russie, en Turquie et dans les Balkans peut, selon certains, être expliquée par le transport commercial de poulets et par des pratiques locales de fertilisation avec du guano de bassins de pisciculture (par ailleurs fréquentés par les canards).
"On a recensé deux épisodes de mortalité massive d'oiseaux sauvages, l'un en Chine, l'autre en Mongolie. En dehors de ça, rien, sinon des cas isolés", souligne Olivier Dehorter, chercheur au Muséum d'histoire naturelle. L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, qui conseille le gouvernement sur ce dossier, estime qu'il n'existe "aucune preuve" de la transmission du virus par des migrateurs apparemment sains. Mais elle admet "la probable implication" des oiseaux sauvages dans la dissémination du virus, au vu de la multiplication des foyers aux portes de l'Europe. "Nous avons besoin de savoir si le virus H5N1 est présent chez des animaux sains. Il faut trancher le débat et cela aura des conséquences importantes sur la manière future de gérer cette crise", affirme M. Lancelot.
En Afrique, les chercheurs vont donc surtout analyser les "espèces à risque": "des espèces qui migrent sur de très longues distances, dont l'itinéraire les amène au-dessus de zones infectées et dont le comportement pourrait les mettre en contact avec la volaille", explique Ward Hagemeijer, chef du programme "biodiversité" chez Wetland International. Premiers visés, les canards, puisque l'eau semble propice à la transmission du virus. En particulier, la sarcelle d'été et le pilet. Dans une moindre mesure, le souchet. Le colvert, parfois porteur de versions atténuées du virus, ne doit pas être diabolisé, car il va rarement jusqu'en Afrique. Mais tous les oiseaux migrateurs sont des porteurs potentiels du virus, y compris les hirondelles qui nichent dans les bâtiments agricoles et dont les fientes pourraient venir contaminer les volailles. En revanche, les palombes sont mises hors de cause car elles ne dépassent jamais l'Espagne.
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