OMC La France à la manoeuvre pour éviter l'isolement sur l'agriculture
L'offensive précoce lancée par la France contre la Commission européenne dans les négociations de l'Organisation mondiale du commerce vise à éviter l'isolement complet subi par Paris à l'été 2004 à Genève, mais la base juridique d'une opposition française à un accord qui serait conclu à Hong Kong paraît très fragile, selon des experts.
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"Les Français ont compris avec l'affaire des textiles chinois qu'ils pouvaient constituer une minorité de blocage au sein du Conseil des ministres de l'Union européenne, mais qu'il fallait s'y prendre très tôt, compte tenu des défections en chemin", explique une source communautaire. C'est pourquoi ils sont sortis du bois dès que la négociation du volet agricole du cycle de Doha a porté sur les données chiffrées venant compléter l'accord-cadre conclu en juillet 2004. A l'époque, les Français, isolés face aux 24 autres délégations, avaient été contraints à accepter l'abandon par l'UE des subventions agricoles à l'exportation. Cette fois-ci, la France peut se féliciter que quatorze Etats membres aient signé début octobre une mise en garde à la Commission sur les "ligne rouges" à ne pas franchir sur le dossier agricole. On y retrouve notamment l'Italie et l'Espagne, avec qui la France avait affiché sa "solidarité" pour obtenir de Bruxelles le rétablissement de quotas à l'importation sur certains textiles chinois, alors même que son intérêt direct dans l'affaire était faible, selon ses propres diplomates.
La capacité française à réunir une minorité de blocage sur le volet agricole constituerait un changement majeur. Mais le résultat n'est pas acquis. A Luxembourg, le 18 octobre, au niveau des ministres des Affaires étrangères, puis à Genève le lendemain lors d'un échange entre experts, un demi-douzaine de pays, selon Bruxelles, étaient encore prêts à suivre Paris sur une position radicale consistant à interdire à la Commission de faire son travail de négociateur. Paris revendique un soutien plus large. Mais les Français pensent surtout à l'échéance majeure de la conférence ministérielle de l'OMC à Hong Kong en décembre, où le commissaire européen au Commerce Peter Mandelson pourra compter, à la tête du conseil, sur une présidence britannique ne cachant pas son hostilité à la Politique agricole commune.
A Genève en 2004, le prédécesseur français de M. Mandelson, Pascal Lamy, aujourd'hui directeur général de l'OMC, avait reçu l'appui efficace du président du Conseil, le ministre néerlandais de l'Economie Laurens Jan Brinkhorst. C'est pourquoi, à Hong Kong demain comme hier à Genève, la France n'exclut pas de placer le débat sur le terrain juridique en revendiquant un veto sur tout résultat de négociation, même intermédiaire. "La pratique est que les décisions soient prises par consensus", rappelle une source diplomatique française. Mais, s'il doit y avoir vote, il devrait se faire à l'unanimité, ajoute-t-elle.
En juillet 2004, en pleine négociation à l'OMC, cette question avait fait l'objet d'un long débat entre le chef des services juridiques du conseil, convoqué à la demande de Paris, et celui de la Commission, appelé à la rescousse par Pascal Lamy. Les conclusions n'en n'ont pas été rendues publiques. Tout se jouerait sur la présence ou non dans la négociation de Doha de domaines de "compétence mixte", partagée entre la Commission et les Etats membres dans le cadre légal existant du Traité de Nice. La Commission estime que ce n'est plus le cas puisque l'investissement a été sorti du cycle, que l'offre européenne sur les services ne concerne pas la culture, l'audiovisuel ou la santé, etc.... De source française, on maintient qu'il reste "une compétence mixte résiduelle", par exemple sur les services de transport. La question, politique, est de savoir si la France pourrait revendiquer un veto au titre d'un élément aussi marginal dans un paquet global ayant l'aval de la grande majorité des 25.
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