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Réforme de la Pac Avis très partagés selon les pays d’Europe

Plusieurs pays d’Europe étaient représentés lors d’une journée sur la réforme de la Pac proposée par l’Institut de l’élevage. Si tous s’accordent sur une baisse certaine du nombre d’éleveurs dans les années qui viennent, chaque pays l’interprète plus ou moins positivement... ou plus ou moins négativement.

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Voici un témoignage qui a choqué les éleveurs français présents : « Globalement les éleveurs laitiers étaient favorables à la réforme qui va vers une meilleure prise en compte du marché, vers un respect accru des contraintes sociétales et environnementales, et vers le respect des accords de l’OMC. Les producteurs qui ne sont pas efficaces vont arrêter et laisser la place à des producteurs efficaces capables de produire à bas prix. » C’est ce que lance l’anglais Tom Hind, conseiller chef en lait à la NFU, syndicat majoritaire en Angleterre avec 55.000 adhérents. Il s’exprimait le 7 décembre lors d’une journée sur la réforme de la Pac organisée par l’Institut de l’élevage avec l’intervention de plusieurs responsables agricoles européens en bovins lait, bovins viande et ovins.

En faveur de la réforme

Une journée qui aura montré des différences d’appréciation de la réforme de la Pac selon les pays. Il y a ceux qui prennent les choses très positivement, comme l’Angleterre, ceux qui les prennent très mal. Et entre les deux, plusieurs pays prennent les choses avec pragmatisme : conscients qu’il n’y a pas le choix, ils gardent confiance en l’avenir pour les éleveurs qui souhaiteront poursuivre leur métier et s’adapteront.

Dans la même ligne que son confrère anglais, Susan Clausen, d’un institut de recherche danois affirme : « Tous comme les Britanniques nous, éleveurs et industriels, sommes assez en faveur de la politique de l’Union européenne. »

Réforme excessivement sévère

« La réforme de la Pac est excessivement sévère pour les producteurs, nous y étions opposés » explique de son côté Catherine Lascurettes, executive secretary au national dairy and liquid milk committes (fédération de producteurs en Irlande). « Mais puisque le découplage est là il faut l’appliquer de façon pragmatique. » Elle souligne cependant l’inquiétude des éleveurs irlandais, qui « attendent de leur industrie une meilleure efficacité et plus de valeur ajoutée pour des prix viables payés aux agriculteurs ». A propos des élevages ovins, l’Irlandais Kevin Hanrahan ajoute : « Il faudra que les éleveurs misent sur le marché et non pas sur les primes. Les jeunes réalisent qu’ils vont devoir s’adapter, utiliser plus de technologie. »

En Espagne, où selon Beatriz Garcès, du ministère de l’agriculture, « les perspectives de la réforme ne sont pas bonnes » en ovins (« Nous pensons que d’ici trois ans la moitié des exploitations vont disparaître »), aucune décision n’a encore été prise quant à l’application nationale de la réforme de la Pac (recouplage des aides ou non).

En France, l’inquiétude est aussi de mise chez les producteurs. Par exemple l’Institut de l’élevage estime que le nombre d’éleveurs laitiers pourrait passer de 110.000 aujourd’hui à 61.000 à 75.000 en 2010. « Nous allons vers une restructuration accélérée avec une spécialisation, et même une spécialisation par régions ou grandes régions » résume Pierre Chevalier, président de la CNE en France. A propos de la baisse du nombre d’exploitations et de la baisse de production ovine, bovine voire laitière, il lance : « Tout cela est bien loin des raisons avancées par la Commission européenne pour la réforme. » Et d’ajouter que l’Europe à 25 va perdre son indépendance alimentaire.

 

 
Pierre Chevalier, «nous allons vers une restructuration accélérée» (© Web-agri)

 

« Que veut-on exporter, des bovins ou des Airbus ? »

Mais ce qui était imposé, répond Laars Hoelgaard, directeur des produits animaux à la Commission européenne, « ce sont des contraintes budgétaires très fortes. On ne peut pas voir la politique agricole hors du reste de la politique européenne. » Quand à l’indépendance alimentaire de l’Europe il n’y voit pas un impératif : « Demandez aux consommateurs ! » Et d’ajouter, provocateur : « Pour pouvoir exporter il faut aussi importer. Que veut-on exporter ? Des bovins, ou des voitures, des Airbus, etc ? » L’argument souffle plus d’un auditeur français.

Mais plusieurs pays approuvent, Royaume-Uni en tête : « Il est normal que celui qui paye une politique ait un regard différent de celui qui reçoit de cette politique » lance David Barnes, représentant du gouvernement du Royaume-Uni à l’UE. Et d’ajouter : « Je comprends que les agriculteurs français ne soient pas d’accord mais vous devez comprendre que ce sont les contribuables européens qui ont le choix entre financer des restitutions sur la viande ou financer un hôpital. »

Entre ces deux positions, le Belge Jean-François Snessens, de l’université de Louvain, et l’Italien Paolo de Castro, de l’université de Bologne, ont une position intermédiaire. Le Belge estime que face à la réforme « l’agriculture comme tout système économique va s’adapter à la politique de prix qu’on lui attribue ». Mais « attention à ce que le métier intéresse encore des jeunes. » Pour lui il faut trouver un « équilibre entre outils de contrôle de marché et libéralisme ». L’Italien consent quant à lui que « nous n’avions pas le choix pour des raisons budgétaires » et constate qu’au moins « nous avons un budget clair pour les prochaines années », mais il s’inquiète de la force de la réforme et du risque de devenir dépendant des importations notamment en viande bovine.

« Non tout n’est pas foutu »

Réaffirmant qu’il croit en l’avenir, l’éleveur français Joseph Daul, président de la commission agricole du Parlement européen, affirme que « si nous n’avions pas signé de réforme de la Pac, le budget agricole aurait baissé de 50 % en 2007 ! » Bruno Hot, du ministère de l’agriculture français (Dpei) confirme que la réforme de la Pac a permis « de sauvegarder le budget agricole ».

Même si la baisse de budget n’était pas son choix, Joseph Daul la comprend et reste positif : « Mettons en place cette réforme et travaillons à augmenter notre compétitivité, continuons à travailler économiquement, restructurons, travaillons avec la filière. » Il pense aussi que « l’agriculture ne peut pas s’en sortir seule mais dans le cadre rural, par exemple avec les artisans et commerçants du monde rural ».

Il faut aussi « faire reconnaître les spécificités agricoles » estime Bruno Hot, expliquant par exemple que « les terres ne bougent pas, ce n’est pas comme produire des chaussettes ! » Joseph Daul pense que « nous arriverons à l’OMC (organisation mondiale du commerce) à démontrer que l’agriculture n’est pas comme des voitures ou des Airbus ». Il parle aussi aménagement du territoire et pays pauvres. Laars Hoelgaard confirme, avec son franc parler : « Non tout n’est pas foutu avec la réforme de la Pac et les négociations internationales à l’OMC. Il y a aussi des opportunités. La politique agricole nous voulons tous la défendre, assurer l’occupation du territoire, le revenu des agriculteurs. Mais il faut accepter les réalités. »

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