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Fromage de chèvre Brocciu corse, 20 ans pour une certification AOC

Le Brocciu est le seul produit des filières d'élevage de Corse à faire l'objet d'une certification. Il bénéficie d'une Appellation d'origine contrôlée (AOC) depuis 1998. L'histoire de l'obtention de cette certification s'étale sur 20 ans (1977-1998). A l'INRA (1), le laboratoire de recherches sur le développement de l'élevage accompagne depuis le début ces démarches de certification qui peuvent permettre un maintien ou une relance des activités d'élevage.

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Le Brocciu corse

C'est un fromage fabriqué à partir du lactosérum ("petit lait") de chèvre et/ou de brebis que l'on chauffe et auquel on ajoute du sel et du lait entier. Au cours de la campagne 2001-2002, la production de Brocciu a été de 485 tonnes, dont un peu plus de 400 tonnes ont été fabriquées par une vingtaine de laiteries, artisanales ou industrielles , le reste étant produit par quelques 100 producteurs fermiers, dont les trois quarts sont éleveurs de brebis (source Syndicat de défense AOC Brocciu).

 

 
Caprin race corse. © INRA / A. SALASCA – PCD2132-IMG0022.PCD

 

Chronique de la certification du Brocciu : de l' « AO » à l' « AOC »

Produit « emblématique » du patrimoine fromager corse, le Brocciu est longtemps resté l'apanage des producteurs fermiers. Cependant, vers la fin des années 70, les industriels laitiers producteurs de Roquefort, qui collectent du lait de brebis en Corse depuis la fin du XIXème siècle, décident de valoriser eux-mêmes le lactosérum, auparavant rétrocédé aux éleveurs. Cette décision fait suite à la politique de diversification mise en place pour valoriser le lait qui n'est plus, dans sa totalité, transformé en fromage destiné à être affiné dans les caves de Roquefort.

Désormais, l'histoire du Brocciu va être ponctuée de conflits, parfois sévères, entre producteurs fermiers et industriels laitiers, jusqu'à l'obtention de l'AOC en 1998.

Sur la demande des producteurs fermiers, le Brocciu, qui n'est pas considéré réglementairement comme un fromage, se voit accorder en 1983 une première Appellation d'origine (AO) « simple », mais celle-ci va rapidement révéler ses insuffisances.

En effet, les contraintes qualitatives imposées (taux minimal d'extrait sec, taux de matières grasses par exemple) ne sont pas de nature à protéger la recette traditionnelle et éviter les fraudes. Certains industriels utilisent par exemple des poudres de lait et de lactosérum de brebis, interdites par le décret mais difficilement décelables dans le produit fini. Par contre, l'AO impose des obligations nouvelles pour les producteurs fermiers concernant le poids à la mise en moule, la qualification commerciale ou l'étiquetage.

 

 
Brocciu salé © INRA / Jean-Antoine PROST – PCD0001-IMG0074.PCD

 

Sur ce, en 1988, apparaît un décret définissant les produits tels que le Brocciu comme « fromages de lactosérum ». Ce nouveau statut de fromage impose donc le passage de l'AO à l'AOC (Appellation d'origine contrôlée), sous peine de perdre toute protection juridique. L'instruction de l'AOC nécessite la mise en place d'un syndicat interprofessionnel représentatif, seul habilité à instruire une demande et à gérer une AOC. Ceux qui se combattaient hier doivent maintenant négocier. Ils le feront avec des objectifs différents : la protection pour les producteurs fermiers, la promotion pour les industriels laitiers.

Rôle de la recherche : expertise scientifique et aide à l'organisation

L'INRA a d'abord été mobilisé à titre d'expert sur de nombreux points techniques, par exemple les différences dues au mode de chauffage du lactosérum : direct, en chaudron de cuivre étamé ou en cuves à double paroi chauffées à la vapeur. Il a aussi aidé à la décision des producteurs en travaillant, par exemple, sur l'évolution du produit pour définir une date limite de consommation.

Les chercheurs collaborent ainsi à l'élaboration du règlement technique de l'AOC, comme à la conception des méthodes d'analyses et des contrôles liés à l'Appellation. Un exemple de résultat obtenu est l'optimisation de la quantité de lait rajoutée au cours de la fabrication du Brocciu : pas plus de 15%, alors qu'un seuil de 25% avait été autorisé dans le décret de 1983 (l'addition de lait au-delà de 18% entraîne en effet une déperdition de près de 40% des matières grasses ainsi ajoutées que l'on ne retrouve pas dans le produit fini).

Alors que l'AO définit une simple origine géographique (région, localité), l'AOC y ajoute des conditions de production et d'agrément du produit. Deux commissions, composées de professionnels, sont réglementairement chargées de contrôler ces aspects. En étroite collaboration avec le centre INAO (Institut national des appellations d'origine) de Bastia, l'INRA participe ainsi aux visites d'exploitations, prélèvements et dégustations, comme en 1997-1998, au cours d'une campagne "à blanc" de fonctionnement de ces Commissions d'agrément de l'AOC. L'objectif est de tester aussi bien les besoins logistiques que la capacité des professionnels à s'intégrer dans la démarche, c'est à dire à accepter d'être contrôlés par leurs pairs, comme à participer eux-mêmes aux opérations de contrôle. L'intérêt est aussi de leur montrer que ces contrôles ont un rôle d'aide et de conseil.

Une fois l'instruction terminée par l'INAO, un nouveau décret, relatif à l'AOC « Brocciu corse », a été signé le 3 juin 1998. Depuis cette date, c'est à l'aide au fonctionnement effectif de cette AOC et à la place de la certification dans le développement que se consacrent les chercheurs impliqués dans cette démarche.

NB: (1) Laboratoire de recherches sur le développement de l'élevage (LRDE), département Systèmes agraires et développement, centre de Corte.

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