Faute d'accord entre les Etats membres, c'est la Commission européenne qui assumera la responsabilité politique sensible de lever ce moratoire. L'approbation de l'exécutif européen ne fait aucun doute dans la mesure où il considère avoir respecté la demande des gouvernements et du Parlement européen en faisant adopter une nouvelle législation stricte sur l'étiquetage et la traçabilité des OGM, entrée en vigueur il y a un mois.
"C'est la crédibilité de cette législation qui est en jeu. Si on veut qu'elle soit un modèle pour le reste du monde, il faut l'appliquer", souligne-t-on à Bruxelles. La Commission a écarté l'idée de prendre cette décision après les élections européennes de juin, estimant que cela "ne serait pas honnête". Les ministres de l'Agriculture européens avaient renvoyé "la patate chaude" à Bruxelles en ne parvenant pas le 26 avril à dégager une majorité qualifiée pour ou contre la mise sur le marché du BT-11, un maïs doux de la firme suisse Syngenta destiné à la consommation humaine.
Six pays (Irlande, Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède, Finlande et Italie) s'étaient prononcés en faveur du BT-11. Trois autres (Allemagne, Belgique et Espagne) s'étaient abstenus et les six derniers (France, Autriche, Luxembourg, Danemark, Portugal et Grèce) avaient voté contre. La Commission affirme ne pas agir sous la pression de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), où un panel d'arbitrage, mis en place pour examiner une plainte déposée par les Etats-Unis, le Canada et l'Argentine contre le moratoire, doit se réunir début juin pour auditionner les parties avant de rendre une décision dans quelques mois. "Nous ne sommes pas inquiets. L'objectif des plaignants est de dissuader les pays comme le Brésil, l'Inde et la Chine ou les pays africains qui refusent l'aide alimentaire transgénique, d'adopter des règles comme les nôtres", selon une source communautaire.
Bruxelles rappelle que des produits alimentaires issus de 16 OGM ont déjà été autorisés avant 1999, y compris le maïs BT-11, mais sous forme d'huile et non de maïs en boîte, d'où la nécessité d'une nouvelle autorisation.\n Ce maïs, résistant à un insecte (pyrale) et tolérant à un herbicide (glufosinate ammonium), sera autorisé pour dix ans et devra porter l'étiquette "ce produit contient des OGM". D'après les nouvelles règles, toutes les denrées alimentaires doivent être étiquetées au-delà du seuil de 0,9% d'OGM, y compris l'huile de soja produite à partir de soja génétiquement modifié (GM) ou le biscuit contenant de l'huile de maïs produite à partir de maïs GM.
Mais les écologistes estiment que le dossier BT-11 présente des lacunes scientifiques et s'appuient sur un avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) qui a jugé les essais sur les animaux insuffisants. Pour les Amis de la terre, il y a de toute façon "peu d'avenir pour les OGM en Europe. Les consommateurs les rejettent, les exportations vers l'Europe chutent et l'industrie biotechnologique elle-même ne voit pas d'avenir en Europe" comme l'illustre le récent report du lancement par l'américain Monsanto de son blé OGM.
Les écologistes ne soulèvent plus tant la question de l'alimentation que celle des cultures, où l'UE doit encore adopter des règles de coexistence des filières traditionnelles et transgéniques, ainsi que des seuils pour la présence d'OGM dans les semences. Selon Bruxelles, 33 procédures d'autorisation d'OGM, pour des semences ou des produits alimentaires, sont en cours. |