Le secrétaire d'Etat au Commerce Renaud Dutreil a promis, sans autres précisions, un prochain "dispositif de crise" pour "l'ensemble des produits frais" permettant d'éviter des prix trop bas en "poursuivant devant les juridictions civiles et commerciales ceux qui pratiqueraient ou feraient pratiquer des prix abusivement bas par rapport aux coûts de production". Ces menaces de poursuites et de sanctions visent surtout la distribution, à laquelle les agriculteurs reprochent d'acheter trop bas leurs produits. Le secrétariat au Commerce a estimé vendredi que les ententes sur le prix de la viande condamnée mercredi et le futur dispositif de crise agricole étaient "deux choses différentes". Mais la sanction de la Commission est venue jeter un doute sérieux sur la possibilité de tels dispositifs, revenant à soutenir les prix, sur d'autres secteurs agricoles, a-t-on souligné de source proche du dossier. En effet, l'argument français selon lequel un prix en dessous du coût de revient est condamnable car similaire à une vente à perte n'a pas tenu à Bruxelles pour l'entente sur la viande bovine d'octobre 2001.
L'affaire devient urgente car bientôt les fruits d'été arriveront sur le marché avec sans doute leur cortège de crises sectorielles. Les syndicats agricoles ont d'ailleurs soulevé ce problème vendredi matin en craignant que des sanctions du même type puissent aussi s'appliquer aux accords récents et à venir, comme ceux sur le porc et les fruits d'été. Jeudi, devant les producteurs de porc, le ministre de l'Agriculture Hervé Gaymard s'est pourtant appuyé sur ce projet pour leur promettre de lutter contre les prix trop bas de la grande distribution, en précisant que "la notion de prix d'achat abusivement bas, en usage dans d'autres secteurs, a été étendue au secteur agricole" et que l'Etat pourra "sanctionner les manquements". Cette forme de soutien des prix reste d'autant plus douteuse au vu des règles de concurrence que, tout comme la Commission européenne a condamné les ententes sur la viande mercredi, le Conseil de la Concurrence français avait jugé illicites les accords de l'été 2002 entre agriculteurs et distributeurs pour fixer des prix minimum pour deux fruits d'été. Le Conseil avait critiqué un accord passé en juillet, en pleine crise sur les pêches et les nectarines entre les agriculteurs et les principales enseignes, alors que les prix étaient tombés en dessous du coût de revient.
Sous la pression des syndicats agricoles, les distributeurs avaient accepté en fin de campagne de payer des prix minimum de 20% supérieurs au cours du marché. Le secrétariat d'Etat au Commerce a d'ailleurs eu la prudence de prévoir dans son projet de dispositif de crise "un délai pour l'examen de ces accords par le Conseil de la Concurrence". La Commission n'est compétente que pour les affaires de portée internationale, les franco-françaises relevant du Conseil de la Concurrence. La Commission européenne a condamné six fédérations agricoles à une amende de 16,7 millions d'euros, dont 12 millions à la seule FNSEA, pour avoir conclu en 2001 une entente illégale sur les prix de la viande et une limitation des importations. |