Login

Interview Jean-Pierre Joly, directeur du MPB:«une spirale de baisse peut être sans fond !»

Après la courte embellie de la fin de l'été, les cours ont de nouveau chuté. Comment expliquer cette évolution brutale? Quelle est l'importance d'une pause dans la chute des cours et l'impact possible? Le directeur du MPB (marché du porc breton), Jean-Pierre Joly, réputé pour ses analyses, dresse un premier état des lieux. Interview... Jean-Pierre Joly, directeur du MPB (© BC)

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Web-Agri : La fin de l’été a vu une très courte embellie pour le cours du porc. Il est depuis retombé au plus bas, avec un cours lundi 3 novembre à 1 Euro/kg. Comment expliquer cette évolution ?

Jean-Pierre Joly : La logique du cycle du cours du porc et les annonces de baisse de production européenne nous laissaient prévoir un cours à l’automne supérieur à celui de l’an passé.
Dans les faits, septembre a sans doute été meilleur que prévu, en parti aidé par les effets de la canicule. L’offre momentanée était moindre et même avec une demande peu importante, cela a suffit pour que le cours augmente.
Les cours ont chuté fortement à partir de la mi-septembre, après les effets de rentrée. Quand le cours a commencé a chuté, personne n’imaginait que ça descendrait aussi bas. Même pas les abatteurs !

WA : Et alors, pourquoi cette chute vertigineuse ?
J-P Joly :
Les premières fortes baisses ont déstabilisé fortement les opérateurs européens, quelques hésitations, puis  la peur s’est installée, et la chute a été importante : c’est parti très vite !
De plus, les espagnols ont eu peur de ne pas pouvoir exporter leurs excédents après l’été, alimentant aussi la baisse.
La conséquence, c’est que pendant les premières semaines d’octobre, la France a été alimenté par de la viande étrangère, les porcs français sont restés dans les élevages.

En Octobre, dans tous les pays d’Europe, les abattages ont été supérieurs par rapport à la même période 2002. Partout, sauf en France, où l’abattage est resté stable : on a donc subi le marché plus qu’on ne devait par rapport au reste de l’Europe.

Pour résumer , on peut dire que sur la période septembre/octobre, on a subi le premier phénomène (irrationnel !)  de la canicule, dans un sens , puis dans l’autre.


WA : Les abattoirs ont accepté à la demande des représentants de la production de marquer une pause dans la chute des cours. Comment se sont-ils laisser convaincre et quel impact cela peut-il avoir?

J-P Joly : D’abord, pour marquer l’importance de cette pause, il faut préciser qu’une spirale de baisse peut être sans fond !
Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler fin 1998. Aux USA, le cours était tombé à un franc le kilo. En France, fin 98, début 99 le cours était à cinq francs, et dans le même temps, le cours espagnol se situait à trois francs cinquante. Il ne faut pas compter sur eux pour arrêter de baisser, car ils doivent évacuer leur production. Si la France ou l’Allemagne, ne stoppent pas la baisse, il n’y a pas de fond !

A partir de certains critères économiques, on a pu convaincre les abattoirs d’arrêter de baisser et stabiliser le cours à 0.965 Eu/kg. La veille pourtant, les abatteurs envisageaient 0.90 du fait de la concurrence.
Résultat : le lendemain de l’accord de stabilisation, tous les pays d’Europe ont arrêté de baisser !
Mais, il ne faut pas oublier que quand on arrête de baisser, les autres pays sont plus compétitifs. Si ce phénomène d’arrêt n’est pas suivi  d’une préférence nationale en terme d’approvisionnement, on fait chou blanc !
Il faut  trouver le prix de marché qui permettent aux abattoirs d’avoir une demande suffisante par rapport à la totalité de l’offre, sinon l’effet est artificiel et temporaire.
Au vu de l’activité, et après contact avec les abatteurs et salaisons,  il a été estimé jeudi dernier, que le cours pouvait remonter à un Euro…La suite dépendra de l’offre et de la demande.

Lundi (*le 3 novembre), la position des abattoirs était de rebaisser de 2 centimes. Des négociations longues et laborieuses ont permis de reconduire l’Euro. Le rapport de force a été favorable ce lundi aux groupements.
Il faut également remarquer qu’une demande de baisse est toujours facile à faire. Les abattoirs croient toujours que ça va leur faciliter la tâche dans le commerce. C’est aux organisations et groupements d’éleveurs d’accepter ou de refuser ces demandes : parfois ils n’ont pas le choix.

WA : Quelle évolution peut-on espérer ?
Pour que ça remonte maintenant, il faudrait aussi au moins un signe de hausse du marché allemand…pour entraîner l’Europe. C’est possible. Novembre est souvent un mois de forte activité en prévision des fêtes de fin d’année.

Propos recueillis par Béatrice Colleu

*NDLR

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement