Pour faire cesser les attaques contre son insecticide qui a, selon elle, apporté un grand progrès au traitement des cultures, la firme chimique et pharmaceutique allemande avait assigné en justice pour "dénigrement" et réclamé l'euro symbolique à l'un de ses détracteurs les plus virulents, Maurice Mary, 76 ans, apiculteur à Chezelles (Indre) et ancien vice-président de l'Union des apiculteurs de France (Unaf). M. Mary, qui fait autorité parmi les 70.000 apiculteurs français, avait à son tour réclamé des dommages et intérêts, tandis que l'Unaf et la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), à laquelle elle appartient, avaient décidé de se joindre à cette joute juridique, estimant que Bayer portait atteinte à la liberté d'expression syndicale. En requalifiant l'action en "dénigrement" de Bayer en action en "diffamation", et en la déclarant irrecevable, la chambre civile du TGI a "placé les apiculteurs sous la loi française la plus protectrice, celle de la liberté de la presse", a estimé Me Bernard Fau, qui défendait les apiculteurs. Selon lui, "grâce à ce jugement, les dirigeants syndicaux pourront s'exprimer contre les plus grandes firmes". Le tribunal a en outre condamné Bayer à verser 2.000 euros à l'apiculteur pour le paiement des frais de justice mais a rejeté les demandes de dommages et intérêts de M. Mary et des deux organisations. "Ca fait plaisir que la plainte de Bayer soit rejetée mais la justice a préféré le verre à moitié plein et ne s'est pas prononcée sur le fond", a déclaré au téléphone à l'AFP Henri Clément, vice-président de l'UNAF, qui doit être le prochain dirigeant apicole poursuivi par Bayer, cette fois devant le tribunal de Mende (Lozère). Il n'est pas certain toutefois que Bayer cherche à renouveler ce type de poursuites. "Ces poursuites ont été initiées il y a deux ans, or nous sommes dans un autre contexte depuis janvier dernier", a indiqué à l'AFP François Thiboust, directeur des affaires publiques de la filiale Bayer CropScience, qui commercialise le Gaucho. Fin janvier, tout en prolongeant de trois ans la suspension du Gaucho sur le tournesol, le ministère de l'Agriculture avait décidé de maintenir son emploi pour traiter le maïs. Il avait décidé aussi la création de zones test où l'emploi du Gaucho sera suspendu, afin de faire des études comparatives et multi-factorielles sur la mortalité des abeilles. Les apiculteurs, qui sont persuadés que le Gaucho est l'ennemi numéro un des abeilles, ont engagé devant le Conseil d'Etat un recours contre les décisions du ministère. Bayer affirme que les preuves scientifiques de la toxicité de son produit n'ont pas été apportées, et qu'au contraire le Gaucho représente un grand progrès par rapport aux épandages du passé, car les graines sont déjà traités avant d'être semées. Ce type de produit est imité par d'autres groupes, fait valoir Bayer, pour qui les dépopulations des ruchers ont d'autres explications qu'il convient de mettre en évidence. |