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L'ensilage d'herbe avec conservateur est sans doute le seul à avoir de l'avenir

Aujourd’hui l’ensilage d’herbe connaît une perte de crédit :Il est accusé d’un certain nombre de maux sanitaires par les plus hautes autorités (listéria en particulier)Il a une image négative, non naturelle, de mauvaise odeur et souvent synonyme de bourbier avec pneus qui traînent et bâche qui vole, de la part d’un nombre important de consommateurs

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Il est décrié par une part non négligeable de ses anciens adeptes qui luiont finalement préféré l’ensilagede maïs, plus riche en primes et à réussite moins aléatoire si on n’utilisepas de conservateur.

Il oblige, en terme de mise aux normes, un silo bétonné avec fosse derécupération des jus, contrairement à l’ensilagede maïs.

D’autresinconvénients qui lui sont reprochés par les éleveurs, parmi eux :

La réussite est aléatoire quand on ne met pas de conservateur

Mais le conservateur est onéreux et dangereux à incorporer

Le risque de spores butyriques est important

La météo du mois de mai est incertaine et il faut jongler pour trouver lebon créneau si on récolte en ressuyé ou préfané

Le risque de matraquage des sols est réel pour celui qui privilégie le bonstade pour la coupe

Une fois stockés, les jus sont à épandre et ce n’estpas intéressant à faire ni fertilisant pour les terres

Les refus sont pondéreux

Quand la météo n’estpas favorable, la récolte d’herbevient en concurrence des semis de maïs

Dès qu’ilest un peu humide, l’ensilaged’herbeest difficile à reprendre au silo et à mélanger au maïs

Souvent les éleveurs disent être déçus de la valeur alimentaire de l’herbealors que l’analyseétait bonne, aussi bonne voire meilleure en UFL que le maïs

Nous restons pourtant persuadés que l’ensilaged’herbeest une forme à la fois intéressante et difficilement remplaçable pour l’élevagelaitier ; il peut même avoir un regain d’intérêtà l’heureoù les consommateurs refusent ce qui n’estpas authentiquement « de terroir ».

l’ensilaged’herbe,avant tout, c’estde l’herbe.Et à ce titre, il a des atouts majeurs :

l’image,refuge s’ilen est, du lait produit avec l’herbe

la pureté sans OGM

la production sur place de protéines, donc traçabilité, sécurité,autarcie

les bienfaits agronomiques (structure du sol, matière organique, tête derotation)

les bienfaits environnementaux (absence de lessivage, très peu d’utilisationde phytosanitaires, rupture dans l’apparitiondes résistances aux désherbants, préservation de la faune…)

Parmi les différentes formes de récolte de l’herbe,l’ensilagereste la seule qui permette

Une récolte de l’herbejeune, riche en UFL et en protéines,

Avec des risques maîtrisés et d’unegrande régularité grâce au conservateur

Avec une rapidité maximale (pas de facteur limitant post-récolte,contrairement au séchage)

Avec un affranchissement maximal vis à vis des aléas du climat (très peude temps de séchage au sol)

De plus, l’ensilaged’herbebénéficie

D’unereprise souple : séparation possible des coupes dans des silos différents

D’unereprise mécanisée de bout en bout

D’unmélange bien plus facile avec le maïs ou les concentrés qu’unfoin ou un enrubannage

D’installationspeu coûteuses ramenées à la quantité stockée

De risques d’incendieinexistants

Le conservateur, première mesure à prendre pourréduire la dépendance azotée de l’alimentation des laitières

A l’heureoù nombre d’éleveurscherchent des pistes pour produire eux-mêmes des protéines pour le troupeaulaitier afin de réduire leurs achats extérieurs, la toute première d’entreelles est l’incorporationde conservateur dans l’ensilaged’herbe,pour ceux qui en produisent sans, afin de préserver intégralement lesprotéines qu’ilsrécoltent.

Les raisons sont simples :

Un fourrage vert contient environ 20 à 25 % de sa matière azotée sousforme soluble

Un ensilage bien conservé montre à l’analysequ’environ50% de sa matière azotée est soluble

Un ensilage mal conservé peut en avoir plus de 80 %

Il se trouve que dans des rations où l’ensilageen question représente une proportion importante, l’excèsd’azotesoluble est important et devient néfaste (mammites, boiteries, métrites,mortalité des veaux, infécondité, etc…).Une partie de l’excèsd’azotesoluble est éliminé par l’urineou les fécès, ce qui représente donc une perte sèche, mais après avoirconsommé de l’énergieet fatigué le foie et les reins pour le faire.

Parallèlement, la ration manque de protéines et l’éleveurse voit contraint, pour améliorer les résultats, à ajouter une source deprotéines en général protégées (tourteaux tannés, extrudés, etc.).

A l’inverse,les éleveurs qui distribuent en proportion importante un ensilage d’herbeavec conservateur efficace peuvent se permettre de ne distribuer qu’unequantité très limitée de correcteur azoté, à peine assez pour équilibrerla céréale qu’ilsutilisent aussi en complément.

La consommation d’ensilaged’herbeest également supérieure quand le silo a reçu un conservateur à la bonnedose : même si on compare deux silos bien acidifiés, celui qui a réussi à s’acidifiersans conservateur révèle à l’analysede conservation un taux nettement supérieur d’acideacétique (parfois plus de 70 g/kg de MS), facteur d’inappétence.Le silo qui a reçu la bonne dose de conservateur s’estacidifié plus vite que l’autreet ne comprend que peu d’acideacétique à l’arrivée(moins de 20g/kg de MS) : il est plus appétent.

Le conservateur efficace fait donc gagner sur deux tableaux :préservation des protéines et consommation supérieure d’ensilaged’herbe.C’estdonc doublement avantageux pour l’apportde protéines dans la ration.

Il est clair qu’aujourd’huiles éleveurs qui voudraient renforcer la proportion d’ensilaged’herbedans la ration, pour en arriver à une majorité sous cette forme, ne doiventpas l’envisagerraisonnablement sans s’assurerau maximum d’unequalité régulière, grâce au conservateur.

Principales recommandations du BTPL en matière deconservation des ensilages d’herbe

Dernière exploitation d’automneprécoce pour obtenir une pousse précoce au printemps, afin d’ensilerune herbe jeune et abondante pour des vaches laitières à un bon niveau deproduction (pour que l’ensilaged’herbesoit au moins au niveau d’unensilage de maïs)

Si l’objectifde récolte est tardif pour une distribution à des animaux à besoinsmodérés, la date de la dernière exploitation d’automneest indifférente

Fertilisation azotée précoce et modérée avant la première coupe (àpartir de 200° cumulés base 0 depuis le premier janvier, et réglementairementpas avant le 1er février pour les Installations Classées) ; formeprincipalement nitrique (le moins possible d’uréiqueet d’ammoniacal) ;pas plus de 90 à 120 N (en 2 fois) dans la majorité des prairies, maximum 160N en prairie très productive (type BTPL n°1 ou RGI) ; dernier apport auminimum 5 à 6 semaines avant la date prévue de récolte

Silo de taille adaptée au rythme d’utilisationde l’ensilage,pour maintenir une avancée du front d’attaquede 10 cm en hiver et de 20 cm dès qu’ilfait doux

Fauche, pour des animaux à besoins élevés, à partir de 1 semaine avantépiaison (ou épi à 15-20 cm dans la gaine) mais en se souvenant que plusprécoce = plus riche en azote = plus difficile à conserver ; limite à nepas franchir par rapport à la météo : matraquage du terrain

Hauteur de fauche 8 cm pour limiter au maximum le risque de terre et depoussière dans l’ensilage

Coupe fine pour favoriser le tassement et l’attaque(donc la valorisation) de l’herbe par les microorganismes de la panse

Eviter tout fanage au sol générateur de poussière donc de terre dans l’ensilage :lui préférer un conditionnement au moment du fauchage, sauf si on est sûr depouvoir atteindre un taux de matière sèche supérieur à 40%.

Conservateur (acidificateur) systématique, à la dose prescrite (c’està dire raisonnée à la tonne de matière verte et fonction de la nature dufourrage), sauf si la teneur en sucre est supérieure à 16 % ou si la teneur enmatière sèche est supérieure à 40%

Conservateur bactériostatique impératif au delà de 40 % de matièresèche, et parfois 35% si le rythme du chantier n’autorisepas un tassement suffisant au silo

Tassement en fonction de la matière sèche du fourrage : du plusréduit possible en coupe directe au plus énergique possible au-delà de 35 %de matière sèche.

Pour éviter les zones non tassées dès que l’ensilagedépasse 25% de MS : pour les silos taupinières, tassement dans le sens dela largeur et de la longueur (donc, en limiter la hauteur) ; pour les siloscouloir, étaler le fourrage en une forme concave plutôt que convexe pourpouvoir tasser contre les murs

Réalisation d’unsilo le plus rapidement possible, fermeture immédiate ; 48 h grandmaximum.

Utilisation d’unebâche neuve au contact direct de l’ensilageet protection de celle-ci par une bâche usagée ou par un filet, le choixétant guidé par la fréquence des attaques de nuisibles habituellement

Chargement sur la bâche d’autantplus lourd que le taux de matière sèche est élevé. Pas de fumier ni deterre, utilisation de sacs de sable au fur et à mesure que les pneus et lesbidons vont disparaître.

…Et des précautions à prendre aussien matière d’utilisation !

Progression du front d’attaque

Dans le contexte actuel, nous devons d’abord éviter l’utilisation de produits chimiques qui peuvent nous être reprochés quand il est possible de faire autrement. Donc :

continuer à faire prendre conscience de l’importancedu tassement lors de la réalisation du silo avec des taux de matière sèche> 30%

continuer à faire comprendre qu’ilest désavantageux de rechercher un taux de matière sèche supérieur à 35 %

faire adapter la hauteur voire la largeur du front d’attaqueà l’utilisationqui est envisagée pour obtenir une progression de 20 cm minimum par jourtempéré ou chaud.

prendre le temps de désiler correctement avec un matériel qui ne secoue pastout le silo.

Mais un éleveur supporte mal de remplir à moitié son silo quand le restede l’ensilageest laissé en taupinière à côté. Il reste donc beaucoup de silos àconstruire ou de parois à aménager pour améliorer la situation en été.

L’utilisationd’acidepropionique est avantageuse, mais chère. Elle s’avère parfois (mais pas systématiquement) utile en incorporation dans la massequand on décalotte un demi-silo pour l’étalerà hauteur moindre pour l’été.Mais son prix est un frein à son utilisation.

Certains conservateurs biologiques ont un effet préventif (fabrication d’acidepropionique) pour un coût moindre, dans la masse : à tester.

L’aspersiond’acidepropionique en surface du front d’attaqueest efficace mais ne règle pas le problème en profondeur (échauffement,remontée en pH) : c’estsouvent sur un mètre ou plus qu’ilfaudrait intervenir, ce qui n’estpas possible.

Ration désilée à l’avance

La tendance naturelle à la simplification du travail conduit beaucoup d’éleveurs à ne plus distribuer qu’une seule fois pas jour. Le réchauffement du fourrage et la remontée du pH suite à mélange et distribution entraîne une multiplication active des butyriques. Mais celle-ci ne pose de problème que dans un nombre finalement limité de cas (dans les zones AOC les plus sensibles, l’ensilage est tout simplement interdit).

L’utilisationd’unacide à épandre sur la ration pour limiter la multiplication des butyriques nepourrait régler qu’unnombre limité de problèmes et ne se conçoit que comme solution de rattrapageà tenter quand le reste a échoué. C’estsans doute intéressant d’avoirce produit à la gamme, mais l’imageque pourrait véhiculer une telle pratique n’estpas de nature à la rendre systématique.

Mieux vaut lutter pour que le même budget soit consacré en amont à duconservateur d’ensilage.

Par ailleurs, notre message technique est bien de ne pas succomber à lapréparation à l’avancede la ration, surtout quand les résultats obtenus traduisent un problème surles butyriques (ou la listeria). Si le silo chauffe, il est nécessaire derevenir à deux distributions par jour plutôt qu’une,et d ’entirer les conclusions pour l’annéesuivante. L’avantaged’avoiraccepté d’incorporerdu conservateur dans l’ensilageau préalable n’estil pas aussi de donner un peu plus de souplesse pour ce genre de simplificationdu travail ?

L’ensilaged’herbeavec conservateur, bien conservé, reste un aliment tout à fait indiqué pourdes vaches laitières à tous les niveaux de production, y compris les hautsniveaux. Il est parfaitement complémentaire de l’ensilagede maïs qui a gagné ses galons en terme de simplification des systèmes, deproduction, mais devient de moins en moins sûr face au risque d’OGMet à la dépendance en protéines d’originesdiverses et mal contrôlées.

L’ensilaged’herben’aqu’uneseule raison d’êtreéliminé des exploitations laitières : c’estd’êtreun mauvais ensilage d’herbe.Seul celui là est critiquable.

Autrement dit, nous pouvons affirmer pour aujourd’huiet pour demain, que

« l’ensilaged’herbe,on le fait bien ou on n’enfait pas ».

Il n’yaura rapidement plus de place à l’improvisationdans le domaine.

Michel Deraedt

Ingénieur Conseil BTPL

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