Savoir repérer ses génisses les plus fertiles
Élever des génisses est un investissement, alors autant identifier dès que possible les plus fertiles pour assurer le meilleur renouvellement. Sylvie Chastant, vétérinaire et enseignante à l’ENV d’Alfort, a livré quelques conseils dans ce sens.
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«Comment sélectionner dès la naissance les génisses les plus fertiles ? » Telle est la question sur laquelle Sylvie Chastant, vétérinaire et enseignante à l’École nationale vétérinaire (ENV) d’Alfort a planché avant de la présenter aux Journées nationales des groupements techniques vétérinaires (GTV). « Une partie de cette fertilité est associée aux conditions de vie fœtale, rappelle Sylvie Chastant. La façon dont la vache gestante est alimentée aura des conséquences sur la réserve ovarienne et la fertilité de la génisse à naître. De même, les mammites subcliniques, le stress thermique et le tempérament de la mère vont avoir un impact sur la fertilité. »
Elle revient sur le freemartinisme, ce phénomène biologique où deux faux jumeaux de sexes différents sont connectés par des anastomoses (1) placentaires, in utero. Les hormones produites par le mâle (testostérone et hormone antimüllérienne) viennent ainsi influencer le développement de l’appareil reproducteur de la femelle. La génisse à naître ne présente pas un appareil reproducteur opérationnel avec, par exemple, un vagin non connecté au col de l’utérus. Il arrive que le faux jumeau mâle meure. Il sera alors évacué par la mère (avortement), mais les hormones mâles auront suffisamment marqué le développement de l’autre fœtus pour que, finalement, la génisse naisse infertile.
3,4 % de femelles free-martins
« À 40 jours de gestation, la présence d’un jumeau mâle amène, dans 90 % des cas, à du freemartinisme. Environ 15 % des vaches ont une double ovulation, 50 % de ces femelles seront gestantes de jumeaux et 50 % de ces jumeaux seront hétérosexués. De ces jumeaux, 90 % seront des femelles free-martins. La prévalence du freemartinisme peut donc être estimée à 3,4 % dans les femelles nées en élevage, ce qui n’est pas rien », analyse Sylvie Chastant. Aussi conseille- t-elle de bien vérifier le fonctionnement de l’appareil reproducteur en mesurant la profondeur du vagin. Un vagin de 5 à 8 cm est un signe de freemartinisme. Il doit être de 13 à 15 cm pour une petite velle et atteindre 30 cm lors de la mise à la reproduction. « Quitte à élever des génisses, autant ne pas élever des free- martins ! » relève-t-elle.
Autre élément important à surveiller : la croissance. Rien ne sert de mettre à la reproduction des femelles qui n’ont pas le poids attendu. « Il existe un poids pour une stature donnée. Et n’hésitons pas non plus à vérifier la note d’état corporel. Une génisse mise à la reproduction peut être un peu plus grasse qu’une vache, ce n’est pas un problème », continue la vétérinaire. Elle conseille aussi d’effectuer une palpation transrectale des femelles à 12 mois afin de déterminer s’il y a des aplasies segmentaires et l’accumulation de liquide. « Rien ne sert de les garder dans ce cas », considère-t-elle.
Mesurer la distance anogénitale
Un critère utilisable pour sélectionner ses génisses réside également dans la distance anogénitale. Il y a effectivement une corrélation entre la distance anus-vulve et la capacité reproductive de l’animal. « La distance doit être inférieure à 11 cm en race prim’holstein, sinon les génisses sont moins fertiles. Cela dépendrait, semble-t-il, de la quantité de testostérone reçue par le fœtus pendant la gestation. C’est une tendance, car il est difficile de définir précisément cette distance du fait de la variabilité des populations de bovins », constate Sylvie Chastant.
Le tempérament de la génisse est également important. Les génisses calmes seront plus fertiles. Aussi « ne faut-il pas hésiter à les sélectionner ». Elle rappelle que les protocoles hormonaux pour inséminer ne fonctionnent pas sur les génisses comme sur les vaches. « Pas de protocole GPG (2) sur des génisses ! Après retrait d’un dispositif intravaginal à base de progestérone, une génisse peut arriver plus précocement en chaleur qu’une vache. Il ne faut pas hésiter non plus à utiliser l’insémination artificielle plutôt que la monte naturelle. Il y aura moins de dystocies par la suite, surtout avec des taureaux sélectionnés sur leurs facilités de naissance. De plus, il y a un lien entre la fréquence des dystocies et le sexe du fœtus. Un mâle a plus de chance de provoquer des difficultés d’ordre mécanique au vêlage. C’est pourquoi l’insémination en semence sexée prend tout son intêret chez les génisses. Par contre, le sexe du veau n’aura aucun impact sur la production laitière », conclut Sylvie Chastant, pour en finir avec cette légende rurale.
(1) Anastomose : connexion naturelle ou artificielle entre deux structures, organes ou espaces.
(2) Le protocole GPG, ou Ovsynch, est une méthode de synchronisation permettant l’insémination à une date fixée sans détection des chaleurs (synchronisation entre ovulation et insémination).
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