« Je travaille au cas par cas avec mes ferrandaises »
Au-dessus du Mont-Dore, dans le Puy-de-Dôme, Virginie Ondet a fait le choix de ne travailler qu’avec des vaches de race ferrandaise. Entre lait et viande, elle adapte son système de production en fonction du potentiel de ses animaux.
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« Nous sommes en race ferrandaise à 100 % depuis quinze ans », commence Virginie Ondet, du Gaec du Haut Plateau. La ferme est au-dessus du village du Mont-Dore à 1 300 mètres d’altitude. Elle jouxte l’auberge de la Ferme de l’Angle, dont l’histoire et le développement sont liés au Gaec.
« Mes arrière-grands-parents Blaise et Anaïs se sont installés en 1932. Ils étaient crémiers et voulaient avoir leur propre ferme. Beaucoup de randonneurs s’arrêtaient et demandaient quelque chose à manger. Au départ, ils ont commencé sur la terrasse de leur cuisine. Puis, mes grands-parents Pierre et Bernadette ont suivi en créant l’auberge. Mon grand-père faisait les crêpes avec le lait de la ferme et ma grand-mère un fromage blanc battu moulé en forme de cœur, servi avec de la crème fraîche. Mes parents Jean-François et Maryse ont continué à développer », retrace Virginie Ondet. Les recettes imaginées par la grand-mère, entre potée auvergnate, truite meunière et pommes de terre truffadées, ont contribué au succès du lieu.
Et la première ferrandaise est arrivée en 1996. « Au départ, nous avions une trentaine de frisonnes et montbéliardes et une vingtaine de salers. Mon père avait à cœur de reprendre des ferrandaises, la race de la région. Il a été président de l’association, fondée en 1977, pendant dix ans. à partir de 1996, les vaches sont arrivées petit à petit dans le troupeau suiviées d’un taureau », poursuit-elle. Après avoir été, quelque temps, salariée ailleurs et pris trois ans de congé parental, Virginie est revenue s’installer en 2017 à la ferme avec son père. « Le fait d’aller ailleurs permet de savoir pourquoi on revient et je n’aime pas faire les choses à moitié », souligne-t-elle. Elle évoque la ferrandaise comme une race rustique, mixte, adaptée à un système de montagne, tout foin. « Ce ne sont pas de grosses productrices. Il faut compter 3 300 litres par vache et par an. Nous avons fait une sélection sur des profils plus laitiers avec le temps, mais jamais nous n’avons sélectionné sur la robe », complète l’éleveuse, qui n’écorne pas ses vaches.
Valoriser une histoire familiale
Actuellement, le troupeau se répartit, en fonction des années, entre 30 et 35 laitières et de 15 à 20 allaitantes, uniquement en race ferrandaise. « Je cherche à tirer parti du potentiel de chacun de mes animaux. Certaines vaches peuvent passer d’un troupeau à l’autre en fonction des années. Je vais m’adapter à leur caractère, à leur côté maternel, leur niveau de production, si elles aiment se laisser toucher ou non, etc. Toutes mes vaches passent au moins une année à la traite, voire deux. Ainsi tous mes animaux sont dociles et habitués à la traite », note Virginie.
La monte est naturelle, avec trois taureaux : un jeune pour les génisses, un pour les allaitantes et un pour les laitières. Les vêlages ont lieu en février-mars, avec un lot de sept vaches en été pour avoir du lait l’hiver. Le parcellaire jouxte les bâtiments et le pâturage est géré au fil. Les allaitantes exploitent les parcelles (de 6 à 8 hectares) les plus éloignées. Les estives sont réservées à des troupeaux pris en pension. Les vaches laitières restent en bâtiment de décembre à avril, mais les allaitantes sortent un mois plus tôt. « J’ai différents types de fourrage en fonction de la quantité et du type de fibre (stade de coupe et flore). Cela varie selon les parcelles. Je fais le foin (600 bottes de 250 kg) sur 40 ha, mécanisables. L’ordre des fourrages est très important pour moi. Je donne d’abord le fourrage grossier puis fin. Cela a un impact immédiat sur la flore du lait et sur l’état sanitaire des veaux », explique-t-elle
Une adaptation permanente
Virginie garde longtemps ses vaches et en a conscience. La plus âgée, Olympe, a produit jusqu’à 20 ans. Dordogne et Directrice ont déjà 17 ans. « Elles vont très bien. Mais j’ai du mal à m’en séparer quand elles ont produit et travaillé avec moi durant longtemps. Je garde deux places pour des vaches qui produisent moins. En moyenne, mes vaches ont 9 ans. Au fond, j’ai passé plus de temps avec mes vaches qu’avec mes enfants ! »
Pour les laitières, la moitié des velles partent pour le renouvellement et les autres sont vendues à d’autres élevages en génétique. En allaitantes, seules deux velles en moyenne seront conservées. Pour les mâles, l’ensemble des veaux est élevé sur place et vendu ensuite soit à 3-4 mois, soit à 6-7 mois en vente directe. Deux en moyenne partiront pour la reproduction et trois deviendront des bœufs.
« Pour les laitières, tous mes veaux tètent leur mère jusqu’à 3-4 mois. Ils tètent deux minutes matin et soir, ce qui peut représenter jusqu’à 5 litres. Je trais les mères ensuite. À partir de l’âge de 1 mois, les mâles prennent tout le lait de leur mère pour faire des veaux de lait à 4 mois », détaille Virginie. Avec les stagiaires ou des woofers (volontaires), elle n’hésite pas à utiliser un minuteur. Après la traite, les vaches sont remises avec leurs veaux. Ces derniers peuvent alors assouvir leur besoin de succion. « Parfois, cela abîme les tétines mais je n’observe plus de tétées entre veaux comme avant. J’essaie aussi de faire adopter les velles laitières de renouvellement à 1 mois par les mères allaitantes quand leur veau est vendu. Elles intègrent plus facilement la hiérarchie du troupeau et elles restent dehors. » Son père gérait un peu autrement. Il donnait trois litres de lait uniquement au biberon et la croissance était moindre, selon elle. Et, de 3 kg d’aliments concentrés, Virginie est descendue à 800 g, essentiellement pour donner des minéraux, des vitamines et faire des cures de fleur de soufre et de chlorure de magnésium. « Je travaille beaucoup en préventif pour la santé de mes animaux. Et je me forme continuellement à des pratiques alternatives par le biais de l’association Éleveurs autrement », indique-t-elle.
Le choix de produits laitiers frais
Le lait est valorisé par les veaux mais également vendu à l’auberge 1 €/litre. Virginie, en accord avec sa sœur, en transforme une partie sous forme de crème (5 €/50 cl), de fromage blanc (3,50 €/400 g), de skyr (1,10 €/250 g), de tomme fraîche (12 €/kg), de confiture de lait (5,20 €/250 g), de beurre (4,10 €/250 g), produit le moins rentable bien que très demandé. « Il faudrait le mettre hors de prix, ce que je ne veux pas, argumente Virginie. C’est la production de skyr avec le lait écrémé qui me permet de rendre le beurre rentable tout en le laissant à un prix abordable. » Sa sœur prépare des crèmes dessert au chocolat (4 €/400 g), des riz au lait (3,30 €/400 g) et le fameux cœur à la crème, toujours là (2 €/unité). Un atelier de découpe à Saint-Georges-de-Mons (Puy-de-Dôme) lui permet de transformer la viande en blanquette, rillettes, saucisson, viande séchée, etc.
Elle vend aussi en point retrait avec d’autres producteurs. Ils se sont associés à la suite du Covid, mais sans magasin. Quant à l’auberge, reconnaît l’éleveuse, « si je ne l’avais pas, je n’arriverais pas à écouler tout mon lait. »
Cette année, le lait s’est fait plus rare, car il y a eu beaucoup de veaux mâles sous les vaches laitières, mais elle a vendu davantage de viandes. « Si je voulais faire du fromage, il faudrait produire plus et changer de race. Nous sommes en pleine zone saint-nectaire, j’ai fait le choix de faire autrement et de valoriser d’autres produits », conclut-elle.
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