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Benoît Rubin : « Les relations des producteurs avec leurs clients ne sont toujours pas apaisées »

Il a commencé sa carrière en 1988 à l’association des agriculteurs en difficulté de Loire-Atlantique. Une expérience de deux ans qui l’a marqué. Il passe ensuite cinq ans à la chambre d’agriculture de ce même département où il fait du conseil et de la production de références. Il entre à l’Idele en 2005 et depuis 2012, il y occupe la fonction de chef du service économie.

Observateur des élevages laitiers depuis plus de trente ans, Benoît Rubin mesure l’impact de l’histoire sur le manque de dynamisme laitier d’aujourd’hui. L’insuffisance de cash pour les prélèvements privés reste une difficulté.

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Quel événement majeur a marqué la filière depuis 1995 ?

Sans hésiter, la grève du lait de 2009. Je me souviens de l’euphorie du Space 2008. On parlait d’une hausse de prix de 55 €/1 000 l couplée à des allocations provisoires rehaussées de 15 ou 20 %. Tout s’est écroulé en 2009. Il s’agit d’une crise majeure qui a entraîné une ­rupture dans les relations entre producteurs et industriels, mais aussi entre les producteurs eux-mêmes. Elle reste visible aujourd’hui. Il y a un avant et un après 2009. À mon niveau, on ne peut plus parler de l’économie des exploitations comme on le faisait avant. Et, lors de la crise de 2015, on a vu que certains éleveurs n’avaient pas remonté la pente économiquement six ans après.

Comment les quotas ont-ils façonné les structures d’exploitations ?

Entre 1983 et 2003, faute de pouvoir augmenter leurs quotas du fait de la gestion choisie par la France, les éleveurs avaient le choix entre deux options : se diversifier en créant un nouvel atelier de production, ou extensifier et réduire les coûts. À partir de 2003, alors que la décision d’abandonner les quotas était prise, la France a mis très longtemps à l’intégrer.

La création des bassins laitiers a permis de sortir de la gestion départementale des quotas. Dans les zones les plus denses, l’acquisition de foncier est restée le meilleur moyen de gagner un peu de volume. La gestion française des quotas a incité les éleveurs à s’agrandir en éclatant leur parcellaire. La nécessité de valoriser ces surfaces a poussé ensuite à la végétalisation. Les dynamiques d’évolution des élevages laitiers ont été très variables d’une région à une autre. Avec des modes de gestion différents des quotas laitiers, nos voisins n’ont pas connu ces tendances.

Que nous dit cette histoire sur ce que sera l’avenir ?

Si la production laitière ne repart pas aujourd’hui dans la plupart des territoires, cela vient de très loin. Les éleveurs ont besoin de visibilité pour s’engager dans le temps et les industriels ont besoin également de savoir sur quel volume de lait ils peuvent compter. Or les relations sont de plus en plus contrastées entre eux. Chaque laiterie prend ses décisions en cherchant à optimiser sur le long terme, ses investissements par site de transformation, la dynamique de collecte de la zone et les perspectives de débouchés. Les groupes laitiers ont une forte influence sur les perspectives des éleveurs. Pendant des années, et encore aujourd’hui, certains industriels ont dit et redit qu’ils trouveraient toujours du lait. Ce message a poussé bien des éleveurs à arrêter ou à décourager leurs enfants de s’installer.

On voit que les OP bousculent, mais ne parviennent pas encore à avoir les coudées franches. Les relations des producteurs avec leurs clients ne sont toujours pas apaisées, ce qui pèse sur les perspectives. On assiste depuis quelques années à une transformation rapide des systèmes de production sur fond d’automatisation et d’intensification à la vache. Ce processus nécessite énormément de capitaux, ce qui ne laisse pas suffisamment de trésorerie pour les prélèvements privés et l’autofinancement. Alors que le changement climatique pénalise la production de fourrages et que le foncier est moins disponible, la concurrence entre productions n’est pas ­forcément favorable au lait.

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