Login

Avec 120 vaches, ils choisissent le micro-BA pour mieux rémunérer les 4 associés

Pour les associés, « travailler 80 h par semaine n’est pas une obligation, même si dans le milieu agricole le surtravail est une valeur, ce n’est pas forcément la nôtre », confie l'éleveur.

Parmi les précurseurs du système tout herbe, mais surtout du vêlage groupé de printemps, Gérard Grandin ne s’arrête pas en si bon chemin. Désormais associé au sein du Gaec de la planche, il poursuit les expériences et compte même passer en monotraite intégrale d’ici quelques années.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Dans le pays d’Andaine (Orne), Gérard Grandin s’est installé à la suite de ses parents en 2012. Auparavant en système classique — avec un assolement maïs, blé, herbe - il a très rapidement converti l’exploitation en système tout herbe. Son système, innovant pour l’époque, a fait l’objet d’un premier reportage sur web-agri il y a 10 ans maintenant ! Parmi les précurseurs du système tout herbe et vêlages groupés de printemps (VGP), il persiste et signe, en embarquant désormais trois associés dans son aventure.

Vidéo privée — Dailymotion

« Le premier frein au changement n’est jamais technique, mais c’est le regard des voisins, de la famille… et dans la tête ! »

Entre ses voyages à l’étranger (notamment en Nouvelle-Zélande) et son installation, Gérard a été animateur Civam dans la Mayenne. « Ça m’a permis de voir qu’en termes d’efficacité économique, les systèmes herbagers sont très intéressants, à condition d’être bien conduits évidemment ! »

À son installation, le VGP — fonctionnement très prisé par les éleveurs néozélandais - était très peu démocratisé en France. « Alors que pléthore d’éleveurs laitiers français sont allés en Nouvelle-Zélande, personne n’avait essayé d’adapter ce système en France, ou très peu », glisse l’éleveur. Par manque de références ou de voisins qui travaillent de cette manière, Gérard Grandin est catégorique, « le premier frein au changement n’est jamais technique, mais c’est le regard des voisins, de la famille… et dans la tête ! » Alors il fallait des précurseurs comme lui et quelques autres éleveurs pour se lancer et « créer de la doc ».

Avec cinq autres éleveurs bretons — également en système VGP -, Gérard a co-écrit le livre Les vêlages groupés de printemps. « On s’est rendu compte qu’il y avait trop peu de doc, et les personnes intéressées devaient systématiquement aller voir une ferme menant ce système pour avoir des infos ». Davantage démocratisé depuis les années 2020, Gérard estime le "petit monde du VGP" à une centaine d'éleveurs maintenant. « On échange entre nous, parce que ce ne sont pas les techniciens qui nous apportent les réponses », lance-t-il.

Une nouvelle organisation

Depuis mars 2024, Gérard Grandin n’est plus seul sur son exploitation. Il n’est plus en EI (Exploitation Individuelle), mais en Gaec (Groupement Agricole d’Exploitation en Commun). Auparavant, il n’avait qu’un apprenti avec lui, mais il a convaincu Samuel, le mari de sa cousine, de rejoindre son système. « Après des échanges avec Samuel, il s’est intéressé au système herbager et on a commencé à parler d’association », glisse l’éleveur.

Alors il a fallu créer un Gaec qui regroupe l’EI de Gérard et l’EARL de Samuel. « On a rédigé les statuts de la structure et fait toutes les démarches administratives nous-mêmes, parce que j’aime bien les défis, sourit Gérard, même si ça prenait beaucoup de charge mentale ».

Le site historique de l’exploitation de Gérard est désormais le lieu d’élevage des veaux, de finition et de vêlage. « Là-bas, les vaches y sont traites durant les 7 premiers jours de lactation, et elles sont remontées au site principal quand le lait est commercialisable », explique-t-il. Avec 40 ha accessibles sur le site historique de Gérard, contre 70 sur celui de Samuel, le corps de ferme de Gérard est maintenant un site secondaire.

Côté répartition des tâches, « tout le monde doit pouvoir être remplacé en cas d’absence ». Parmi les associés, on retrouve Gérard, Samuel, Laurence — épouse de Samuel et cousine de Gérard -, et Aymeric — leur fils.

Pour eux, le Gaec permet une certaine souplesse et de partager la charge de travail. « C’est aussi plus facile pour travailler avec du vivant, pour bouger des bêtes par exemple », confie Gérard. « Être en Gaec, ça permet que l’un ou l’autre puisse se libérer assez régulièrement pour une demi-journée voire une journée sans que ça empiète sur le travail qu’il y a à faire, et toutes les tâches sont assurées ».

Passage au micro-BA

Avec leur association, les deux structures ont changé de régime fiscal. Du réel, le Gaec est passé au micro-BA. « Ça a son importance », insiste Gérard. Avec un chiffre d’affaires inférieur à 120 000 € par tête, le microbénéfice agricole permet de déclarer un chiffre d’affaires, et non un résultat. « Avec ce système l’État considère que notre résultat représente 13 % de ce CA », poursuit-il. « En système classique, avec beaucoup de charges ça n’a aucun intérêt ; on est mieux à être au réel et jouer avec les amortissements pour casser du revenu », commente l’éleveur. Mais avec peu de charges, la donne change. « Avec un EBE sur produit brut élevé, les cotisations MSA peuvent être importantes ».

Si l’opérationnel est souvent moins bien valorisé que les tâches administratives, il permet dans ce cas de faire toute la différence. « Le poste le plus rentable sur une ferme c’est probablement de faire sa compta ou sa déclaration Pac. Ça me prend 15 minutes pour la Pac et deux semaines pour la compta, pour un revenu horaire intéressant ».

Pour les associés, « travailler 80 h par semaine n’est pas une obligation, même si dans le milieu agricole le surtravail est une valeur, ce n’est pas forcément la nôtre », confie l'éleveur. (© Terre-net Média)
« Ce qui nous importe c’est de pouvoir rémunérer 4 personnes correctement »

Pour les associés, « travailler 80 h par semaine n’est pas une obligation, même si dans le milieu agricole le surtravail est une valeur, ce n’est pas forcément la nôtre ». Ils aspirent à une vie sociale et de famille. « Ce qui nous importe c’est de pouvoir rémunérer 4 personnes correctement », assure-t-il.

Avec près de 140 vêlages regroupés du 1er février à la mi-avril, la période de mise-bas constitue une grosse période d’astreinte et de surveillance. « Évidemment, pendant la période de vêlage on est tous sur le pont et on fait des grosses journées », lance Gérard.

Leur organisation leur permet de se laisser du temps pour des responsabilités extra-professionnelles. Samuel est président de la Cuma locale et administrateur d’une Cuma départementale. Gérard, quant à lui, est président de l’AFOCG (Association de formation collective à la gestion) et adjoint à la commune, « donc ça implique de pouvoir se libérer un peu », lance-t-il.

« Les plus grosses productrices souffrent dans un système exclusivement herbager »

L’exploitation de Samuel était conduite en système classique : un atelier lait unique avec des Prim'Holsteins au maïs et pâturage lors de la belle saison. N’étant pas en agriculture biologique, il a fallu convertir sa ferme avant de s’associer.

Depuis un an, les deux troupeaux sont rassemblés pour donner un effectif de 120 vaches à la traite. « Aujourd’hui, on a du croisement multi-voies, ce qui donne du Kiwi, Jersiais et Holstein ».

« Samuel avait un troupeau Holstein à très bon potentiel. La transition, c’est peut-être le point le plus compliqué quand on a un troupeau à haut niveau ». Les vaches qui sont à plus de 8 000 l manquent d’énergie, explique l’éleveur. « Elles souffrent parce qu’elles veulent produire mais elles n’ont pas l’apport en énergie suffisant pour le faire. Elles prennent sur leurs propres réserves ».

Les Holstein pures nécessitent davantage de surveillance autour de la période de vêlage. « Cette année, on a eu des hypophosphatémies, c’est le syndrome de la vache couchée alerte. On pensait au début à une fièvre de lait, mais en réalité la vache n’a tout simplement pas la ration qui lui permet de démarrer sa lactation comme elle le voudrait », explique-t-il.

En sélectionnant une génétique adaptée au pâturage, il ne restera que très peu d’Holsteins pures d’ici deux ans. « Comme elles manquent d’énergie, beaucoup ne viennent pas en chaleur et donc elles se réforment d’elles-mêmes ». La fenêtre de reproduction étant très courte, deux mois et demi voire trois mois (du 20 avril à la mi-juillet), les vaches non inséminées sur cette période sont réformées. « C’est une contrainte forte d’être en VGP, dans le sens où il faut réussir sa repro. Mais quel que soit le système choisi, il faut en accepter les contraintes », lance Gérard.

Objectif monotraite intégrale d’ici 2027

En période hivernale, notamment du mois de décembre à début février, la salle de traite est close. L’intégralité du troupeau est tarie entre fin novembre et début décembre. Une période de transition a lieu au préalable, avec la monotraite en automne. « L’objectif à moyen terme, c’est la monotraite intégrale d’ici 2027, car les annuités seront moins élevées ». Gérard Grandin estime « qu’à troupeau égal on perd un peu de résultat, il faudrait augmenter de 10 % le nombre de vaches pour ne pas avoir d’impact sur le résultat ».

De l’herbe dans tous ses états

« Le coût alimentaire de l’herbe pâturée est nul, alors autant l’utiliser au maximum », poursuit Gérard Grandin. Pour cela, il pâture tôt, « dès février ». Et très tard, « jusque décembre voire janvier », poursuit-il. Pour augmenter la surface en pâturage accessible et optimiser la période de pâturage, un boviduc et 500 m de chemin en béton ont été construits sur le site du Gaec.

Les surfaces de Samuel auparavant implantées en maïs sont aujourd’hui en pâture, avec pour objectif d’en faire de la prairie permanente naturelle, de manière à optimiser la portance du sol. Parce que « re-semer une prairie quand la flore s’est dégradée, ça ne sert à rien si on n’a pas changé les pratiques qui ont conduit à la dégradation de la flore », assure l’exploitant.

Sur l’année 2025, les vaches ont été en ration 100 % herbe du 1er avril à début juin. Ensuite, elles ont été complémentées à l’ensilage d’herbe, l’enrubannage ou au foin, « mais ont toujours été à au moins 50 % d’herbe pâturée ».

D’après Gérard Grandin, « le coût alimentaire moyen en France est de 130 €/ 1 000 l ». En vêlages groupés de printemps, « on est autour de 30 €/1 000 l ». L’astuce : accorder pousse de l’herbe et stades de lactation. « Cette conduite permet de toucher au premier levier d’économie de charges sur une ferme qui est le coût alimentaire », assure-t-il.

Au tarissement, les vaches sont hivernées dehors, « elles font du balegrazing sur des parcelles en coteaux. Le troupeau est divisé en trois lots de 40-50 ». Un nouveau paddock de 2 500 m² environ leur est ouvert chaque jour, et deux boules de foin leur sont mises à disposition.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement