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Économiser l’eau en élevage : les petits gestes et investissements qui changent tout

En système laitier c’est 75% du volume d’eau utilisé qui est destiné à l’abreuvement, et en allaitant la proportion est encore plus importante ; de 95 à 99% de l’eau utilisée pour l’abreuvement des animaux.

Alors que la pression sur l’eau s’accentue, certains élevages innovent pour gagner en autonomie. Entre gestes économes et solutions de récupération, les retours d’expérience montrent qu’économiser l’eau est possible… et rentable.

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Parce que l’eau constitue une problématique de plus en plus importante à l’échelle globale, sa gestion demande davantage de réflexion qu’autrefois. Lors d’une demi-journée technique organisée par la chambre d’agriculture de Normandie, Camille Lecuyer, conseillère en élevage biologique a fait part de deux pistes pour faire des économies d’eau en élevage aux éleveurs et élèves venus en nombre ; réduire les quantités d’eau consommées sur l’exploitation, ou chercher une autre ressource en eau que l’eau du réseau. Sébastien Catoir, éleveur laitier en Seine-Maritime a notamment expliqué son système de récupération des eaux de pluie pour limiter son utilisation de l’eau du réseau.

Réduire sa consommation d’eau par les petits gestes du quotidien

D’après Camille Lecuyer, « le poste qui consomme le plus d’eau en élevage, c’est l’abreuvement des animaux ». En système laitier c’est 75 % du volume d’eau utilisé qui est destiné à l’abreuvement, et en allaitant la proportion est encore plus importante ; de 95 à 99 % de l’eau utilisée pour l’abreuvement des animaux.

Naturellement, la consommation en eau d’un bovin est liée à son régime alimentaire ; « plus la vache ingère une ration avec un fort taux de MS, plus elle va avoir besoin de consommer d’eau. L’herbe pâturée est le fourrage qui contient le plus d’eau », annonce la conseillère.

À titre illustratif, une vache qui produit 25 kg de lait par jour à une température d’un peu moins de 20°C va consommer 50 litres d’eau par jour si elle est au pâturage. Dans le cas où le fourrage dominant est l’ensilage de maïs, sa consommation moyenne va avoisiner les 70 litres d’eau, soit près de 50 % supplémentaires.

En élevage laitier, le lavage du système de traite (machine à traire, quais et des installations) représente le deuxième poste de consommation d’eau. Des petits gestes du quotidien permettent de diminuer la consommation d’eau, sans pour autant tomber dans des investissements conséquents.

« 37 % d’économies entre des pratiques standards et des pratiques économes »

« Entre des pratiques standards et des pratiques économes, on peut réduire le volume d’eau utilisée jusque 37 % », lance Camille Lecuyer. Et cela commence par les petits réflexes. « Humidifier les surfaces de la salle de traite avant de commencer à traire, -les murs et les quais-, ce sera plus facile par la suite de retirer les déjections sur un sol déjà humidifié que sur un sol sec ». Aussi, cela peut paraître anodin mais éviter d’utiliser l’eau pour pousser les bouses, et plutôt racler à la main avec un rabot puis nettoyer à l’eau les quais et le parc d’attente permet de limiter la consommation.

Entre nettoyeur haute pression et surpresseur, « le travail de nettoyage n’est pas le même ». Le nettoyeur haute pression utilise moins de volume d’eau que le surpresseur grâce à une pression plus importante, « mais quand on cherche à pousser les saletés, le nettoyeur haute pression va plutôt avoir tendance à pulvériser les souillures ». Dans ce cas, le surpresseur peut en effet être le plus intéressant.

Avec un volume d’eau utilisé plus important, le surpresseur est d’autant plus avantageux si l’on utilise un système de recyclage des eaux blanches – les eaux du dernier cycle de lavage de la salle de traite-. « Un cycle de lavage de salle de traite, c’est entre 50 et 100 litres d’eau. Si on recycle le dernier cycle, le rinçage de la machine à traire, -voire le deuxième cycle-, on peut économiser facilement 100 à 200 litres d’eau sur la journée », assure Camille Lecuyer. Pour récupérer les eaux blanches, et que le stockage ne soit pas un facteur limitant, estimer « 2 litres par mètre carré de surface à nettoyer ».

Un système de récupération et de valorisation des eaux de pluie

Chez Sébastien Catoir, éleveur laitier à Conteville (76), un récupérateur d’eau de pluie est en place depuis 2020. Initialement, c’est un forage qui aurait dû être installé mais par manque d’eau souterraine, l’exploitation s’est tournée vers l’eau… aérienne !

« À l’origine, l’installation récupérait 3 000 m2 de toiture pour abreuver les 60 vaches laitières de l’exploitation toute l’année et les élèves sur la période hivernale. Et puis avec le temps et les pluviométries moins bien réparties, on a fait évoluer le système en 2024 », raconte l’éleveur.

L’eau de toiture de la stabulation des vaches laitières, du bâtiment des vaches taries et des élèves, du stockage de paille et de matériel est récupérée et envoyée en un seul point. Elle passe en premier lieu dans un pré-filtre pour enlever les feuilles et la mousse, le trop plein est reconduit vers une mare existante. « Derrière ce préfiltre il y a une pompe de relevage qui envoie l’eau dans une poche souple en géomembrane », explique Sébastien Catoir.

Avant d’arriver aux animaux, l’eau passe par un filtre à granulés de verre, un activateur de calcaire et une lampe UV. « Après elle va en attente dans une cuve de stockage avec deux pompes qui réinjectent dans tout le réseau, mais uniquement pour l’abreuvement des animaux ». L’eau n’est pas considérée comme potable ; des analyses d’eau sont réalisées tous les 18 mois pour la laiterie. La machine à traire et le tank sont reliés à l’eau du réseau.

« Après trois ans, le système arrivait à peine à fournir 50 % des besoins en eau »

Avec un cheptel croissant et une pluviométrie n’étant plus celle de l’étude initiale -des grosses périodes de pluie suivies de grosses périodes de sec-, le système arrivait à peine à fournir 50 % des besoins en eau de l’exploitation, trois ans après son installation.

En 2024, l’éleveur a décidé d’augmenter la capacité de stockage. « On a fait le choix de rajouter une deuxième poche, et augmenter la puissance de la pompe du poste de relevage pour essayer d’absorber des plus grandes quantités quand ça tombe assez fort ». Un bâtiment supplémentaire a aussi été ajouté dans le réseau de récupération. « En plus des 80 m3 on a remis 150 m3, pour arriver à 230 m3 de stockage ».

Grâce à cette amélioration, l’exploitation arrive presque à être autonome sur l’abreuvement des animaux à l’année. « Sur 2024, il n’y a pas eu de soucis parce qu’il a plu tout le temps. Et en 2025, on a tourné trois semaines au global sur l’eau du réseau », lance l’éleveur.

Au niveau de l’entretien, Sébastien Catoir reconnaît que « c’est plus de contraintes qu’un forage ». Mais rien de sorcier pour autant ; « il faut surveiller le bon fonctionnement tous les jours. Il y a un automate dans le boîtier électrique où on peut voir les volumes consommés dans la journée, et les cumuls depuis le début ». Parmi les points d’attention, il faut veiller au pré-filtre par rapport aux feuilles mortes en automne, et à la mousse qui se décolle des toitures après une période de sec. Enfin, l’éleveur exprime la nécessité de « maîtriser les oiseaux sur le corps de ferme pour limiter les taux d’E. Coli ».

Le montant de l’investissement s’est élevé à 35 900 € après subventions de la région et du département, avec un retour sur investissement estimé à 8 ans.

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