Marie-Andrée Luherne a su conjuguer sa profession d’éleveuse avec un engagement constant pour le collectif. Présidente déléguée du Cniel depuis 2024, elle milite pour l’attractivité des métiers de la filière laitière, notamment auprès des femmes. Elle partage avec nous son parcours, ses priorités et sa vision d’avenir.

Quel est votre parcours professionnel ?

Issue d’une famille d’agriculteurs, je me suis toujours vu travailler dans ce domaine. Après mon BAC, j’ai réalisé un BPA spécifiquement destiné aux agricultrices : une formation unique en France qui n’existait que dans le Morbihan et qui offrait un accès à l’installation. J’ai rejoint la ferme de mon mari au début des années 80, d’abord comme conjointe d’exploitant dans le Gaec familial. Je suis devenue associée à part entière en 1995, au départ de mes beaux-parents et, en 2005, nous avons repris l’entièreté de la ferme avec mon mari. Progressivement, nos enfants nous ont rejoints : aujourd’hui, nos trois fils sont associés et notre fille est salariée sur la ferme.

Pouvez-vous nous présenter votre ferme ?

Notre ferme est située à Sulniac dans le Morbihan à 15 km de Vannes, elle compte 210 ha de SAU. Avec nos 135 vaches Prim’Holstein, nous produisons du lait pour la coopérative Sodiaal. Une particularité importante est que nous pratiquons les cultures simplifiées : nous ne labourons plus depuis longtemps. Nous visons une grande autonomie alimentaire en produisant nos fourrages, l’herbe, le maïs ensilage, le méteil, la luzerne et même du maïs grain. Nous fabriquons notre propre aliment avec le blé que nous récoltons.

Pourquoi avoir pris des responsabilités en dehors de votre exploitation ?

J’ai commencé dans le syndicalisme par la commission des agricultrices au niveau départemental, ce qui explique mon intérêt particulier pour la place des femmes dans la profession. J’ai ensuite intégré le bureau de la FDSEA du Morbihan où l’on m’a confié le dossier lait. En 2015, comme notre représentant à la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) ne se représentait pas, on m’a proposé de devenir la représentante de mon département au niveau national. Je suis directement entrée au bureau de la FNPL, où j’entame mon troisième mandat. Je suis également devenue administratrice au Cniel et, depuis, présidente déléguée de l’interprofession, aux côtés de son président Pascal Le Brun. Le renouvellement des générations, l’attractivité des métiers et la place des femmes au coeur de la filière figurent parmi mes priorités.

Comment percevez-vous la place des femmes dans la filière laitière ?

Dans ma région, les femmes ont toujours été présentes dans les fermes laitières, mais elles étaient parfois moins visibles, tout en exerçant souvent des tâches avec autant de responsabilités que les hommes. Il y a eu tout un combat pour la reconnaissance de leur statut. Aujourd’hui, grâce à ces évolutions, les femmes bénéficient d’une vraie reconnaissance professionnelle. Les jeunes femmes qui arrivent maintenant dans le métier ont le choix et considèrent parfois que la question de la place des femmes est un non-sujet, que c’est du passé. Mais je considère qu’il reste encore des choses à améliorer.
Mon engagement vient aussi du fait que j’ai bénéficié des avancées obtenues par d’autres femmes avant moi, et je trouve normal de continuer ce combat pour faciliter la vie de celles qui arrivent après moi.

Avez-vous identifié des obstacles pour les femmes ?

Nous avons décelé plusieurs freins : l’accès au foncier, car on privilégie souvent les garçons pour la reprise des fermes familiales ; certains préjugés des banques ou des cédants ; du matériel pas toujours adapté aux plus petits gabarits ; et la difficulté de concilier vie familiale et professionnelle, notamment avec les horaires de traite.

Quels messages souhaiteriez-vous faire passer à des femmes qui s'intéressent au métier d'éleveuse ?

Il est important de rendre visibles des modèles qui fonctionnent pour que les jeunes femmes se disent « si elle y est arrivée, pourquoi pas moi ? ». Ce métier ne peut être bien vécu que s’il est choisi. On voit beaucoup de filles dans les écoles agricoles qui font des études supérieures dans ce domaine.
Le salariat peut être une bonne porte d’entrée avant de reprendre une ferme. J’observe que les femmes qui viennent d’autres horizons
apportent souvent des idées nouvelles et ont une vision plus positive du métier, car elles ont connu autre chose. Elles voient mieux les avantages de notre profession et sortent de l’entre-soi, ce qui est très enrichissant.

Avec les nombreux départs à la retraite prévus dans les 5 à 10 ans à venir, nous ne pouvons pas nous permettre de passer à côté du potentiel que représentent les femmes pour la reprise des fermes. C’est une période charnière où il est crucial de faciliter leur installation.
Notre rôle est d’identifier les freins et de mettre en oeuvre des actions pour les lever. Il serait dommage de manquer ce passage de témoin important.

Qu'est-ce qui vous rend le plus fière ?

Ce qui me rend particulièrement fière, c’est d’avoir toujours aimé et bien vécu ce métier, en gardant une attitude positive. Cette passion s’est transmise puisque mes quatre enfants ont choisi de suivre la même voie, sans que je les y oblige.
J’apprécie profondément ce métier qui permet de travailler à l’extérieur avec les animaux et de nourrir les gens. Je suis également fière d’avoir pu mener à bien mon projet personnel tout en oeuvrant pour le collectif.

La dynamique du groupe est une constante dans mon parcours, aussi bien sur ma ferme qu’au niveau professionnel. Mes responsabilités
actuelles sont une belle reconnaissance non seulement pour moi, mais aussi pour toutes les agricultrices.

C’est une fierté de pouvoir porter leur voix et de partager cette reconnaissance avec toutes celles qui exercent le même métier que moi.

 

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Le Cniel
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