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[Reportage] Pâturage tournantDairy dévoile ses techniques pour réaliser des économies grâce à l’herbe

Dairy dévoile ses techniques pour réaliser des économies grâce à l’herbe

A Pierrefitte-en-Beauvaisis dans le Pays de Bray, Vincent Delargillière, alias « Dairy », oriente progressivement son troupeau vers un système plus herbager en valorisant l’herbe au maximum. Pour lui, la technique de pâturage fait toute la différence.

« Grand Calife » du forum de Web-agri depuis près de dix ans, celui qui se fait surnommer « Dairy » sur la toile est éleveur non loin de Beauvais dans l’Oise. Avec son père et son frère, Vincent Delargillière élève 85 vaches laitières, une trentaine de bœufs et cultive 200 hectares, dont 75 ha de prairies.

En 1999, Vincent effectue son stage six mois dans une ferme de 700 vaches en Nouvelle-Zélande : pas de stabulation, des vaches dehors toute l’année, pas de concentré, des lactations synchronisées avec la saison de l’herbe et parfois jusqu’à 50 vêlages dans la même journée. Avec un lait payé moins de 200 €/t, les Néo-zélandais parvenaient à tirer un revenu. Vincent retient les enseignements : ce qui compte ce n’est pas tant la production par vache, mais bien la marge sur coût alimentaire et le nombre de litres de lait par hectare d’herbe.

Pas plus de 24h par paddock

De retour sur ses terres argileuses du Pays de Bray, le jeune éleveur redessine les 20 hectares de prairies accessibles au troupeau : à partir de quatre grandes parcelles, Vincent découpe 19 paddocks et il devrait atteindre 24 paddocks l’an prochain. « Plus il y a de petites parcelles, plus c'est facile de gérer le pâturage tournant », fait remarquer l’éleveur qui ne laisse pas ses vaches brouter plus de 24 heures, voire 12 heures, au même endroit.

« L’objectif, c’est d’avoir un fort chargement instantané avec toujours de l’herbe fraîche disponible au bon stade. J’utilise environ 80 ares d’herbe par 24 heures avec 85 vaches. Au total, cela représente 25 ares d’herbe accessibles par vache, ce n’est pas énorme, mais le pâturage tournant intensif permet de vraiment valoriser l’herbe disponible. Ça ne coûte quasiment rien, quelques abreuvoirs et du fil électrique, par contre on a beaucoup à y gagner, en argent comme en temps de travail !» En avril par exemple, avec de l'herbe de qualité, le troupeau a produit 60.000 litres de lait avec moins de 3 tonnes de tourteau de colza acheté au prix fort à 340 €/t. Alors qu’en hiver avec du maïs et de l’enrubannage, la consommation avoisine plutôt les 15 tonnes de tourteau par mois pour un litrage équivalent.

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l’herbe a besoin de repos

Vincent essaye que l’herbe soit la plus rase possible en sortie de parcelle, quitte à perdre un peu de lait par vache mais à en gagner à l’hectare. « Il faut savoir que l’herbe a besoin de repos. Les systèmes de pâturage continu en full-grass, c’est une hérésie ! Si l’herbe est constamment coupée, on se retrouve forcément avec un paillasson dès le mois de juin. » En effet, l’herbe une fois cisaillée fait des réserves dans ses racines avant de se remettre à pousser. En coupant les feuilles trop fréquemment, la plante s’épuise et sèche rapidement. Le stade trois feuilles est optimal, à la fois pour les réserves de la graminée et pour l’animal avec une herbe riche en azote et peu de lignine.

Rationner le maïs

« J’ai un herbomètre, mais je ne m’en sers sans doute pas assez. J’estime la quantité d’herbe à l’œil. » Au printemps, la rotation des paddocks peut descendre à moins de trois semaines, avec si besoin, des débrayages de parcelles pour la fauche lorsque la pousse de l’herbe s’accélère. La rotation s’allonge à 40-45 jours en été.

Mais Vincent ne ferme pas le silo de maïs pour autant : « Les vaches ont accès au silo libre-service et au Dac uniquement pendant la traite. Cela laisse davantage de souplesse avec la météo et si je le ferme totalement, il y a beaucoup de pertes au silo. » Au printemps, l’ensilage de maïs représente environ 10 % de la ration, soit 3 kg MS, associé à 1 à 1,5 kg/VL/j de tourteau de colza au Dac, sauf pour les vaches en fin de lactation qui n’en reçoivent plus. L’éleveur stoppe également les apports de minéraux durant la saison de pâturage.

« Pour que les vaches ingèrent suffisamment d’herbe, il faut qu’elles aient faim avant d’aller dehors, c’est une règle de base du pâturage. L’an dernier, j’ai donné trop de maïs. Résultat : je me suis fait déborder par l’herbe et j’ai été contraint de faire de l’enrubannage, qui plus est, de mauvaise qualité. »

Dehors dés que possible

Vincent Delargillière lâche ses vaches dehors dès que la portance le permet, même en plein hiver par temps sec. « Il faut lâcher les vaches le plus tôt en saison. Je préfère faire une transition alimentaire longue avec un vrai déprimage des prairies, plutôt que de les lâcher en avril dans 30 cm d’herbe, où l’on court à la catastrophe !»

En période pluvieuse, lorsque la portance devient limite, Vincent restreint la durée de pâturage et surtout la taille des paddocks. « Pendant les semaines très humides, le premier réflexe qui vient à l’esprit est de donner accès à une grande surface pour limiter la matraquage de la prairie, alors qu’il faut faire exactement le contraire ! Si les sabots s’enfoncent dans le sol, alors il faut mettre les vaches le ventre vide sur un tout petit carré d’herbe, quitte à tourner toutes les deux ou trois heures. Un chargement très intensif sur un temps aussi court n’a en réalité que très peu d’incidence sur la repousse. »

Avoir de petites parcelles présente un autre avantage : la meilleure répartition des déjections et donc de la fertilisation des prairies. A l’inverse, dans de grandes prairies, les bouses ont tendance à être concentrées dans les zones où les vaches se reposent, à proximité des arbres par exemple. Vincent n’a d’ailleurs pas besoin d’ébouser ses prairies. Le troupeau passe la nuit dehors de mars à novembre, et c’est autant de paille économisée et de fumier et lisier qu’il n’a pas à charrier au tracteur. 

une génétique durable

Selon lui, avec un pâturage tournant très intensif, il n’y a théoriquement pas besoin de ressemer les prairies. Les bonnes espèces de graminées se sélectionnent elles-mêmes, les autres disparaissent progressivement. Néanmoins, dans ses prairies, le trèfle semble avoir du mal à se maintenir, sans doute à cause d’une fertilisation minérale élevée, proche de 120 unités d’azote minéral/ha.

Côté génétique, Vincent estime que la Prim’holstein a beaucoup de qualités pour bien valoriser l’herbe et il tend à diminuer la part de Normandes dans son troupeau. « Les Holsteins baissent peu en lait et ne maigrissent pas tellement en pâture, en plus, elles donnent de beaux veaux croisés avec du Blanc bleu belge », remarque l’éleveur qui vend chaque année une vingtaine de bœufs élevés à l’herbe jusqu’à deux ans et demi (400 kg). Vincent insémine lui-même et teste la semence sexée sur génisses et vaches. Il apprécie les vaches pas trop grandes et sélectionne ses taureaux en priorité sur les cellules et la fertilité. « Je choisi des taureaux typées "durabilité", avec Bovec notamment, comme Gibor, Stonewall, Haddy, Paul ou Potter. Cela ne me dérange pas de prendre des taureaux négatifs en lait, mais pas en taux et je ne prête pas attention à la morphologie. »

Des lacunes sur la technique de pâturage

« Je pense que les prairies françaises sont sous valorisées. De nombreux éleveurs estiment que l’herbe ne pousse pas chez eux. C’est parfois vrai, mais la technique de pâturage y est pour beaucoup, surtout en zones séchantes. Avoir à broyer des refus, c’est la conséquence d’une mauvaise gestion du pâturage et passer le broyeur, ça n’a jamais fait de lait. »

« En France, nous sommes très techniques sur l’alimentation au maïs, tandis que le pâturage est considéré pour beaucoup comme une aire d’exercice pour limiter les boiteries. Je regrette que du côté des organismes de conseil en élevage, de l’enseignement ou de la presse agricole, il y ait de telles lacunes sur la valorisation de l’herbe. C’est sûr, l’herbe c’est moins vendeur pour les entreprises » fait remarquer l’éleveur du Pays de Bray. « Les troupeaux ont tendance à grossir et à rester de plus en plus en bâtiment, mais qu’adviendra-t-il lorsque le prix du fioul augmentera, que la pression sur les antibiotiques se fera plus forte, ou que le pâturage devienne obligatoire ? »

Son savoir-faire sur l’herbe, Vincent l’a notamment appris grâce à d’autres éleveurs rencontrés sur internet où il surfe matin, midi et soir ! « Je me suis rendu chez d’autres "forumeurs", comme Jean-François qui a créé un système très pâturant dans le Finistère. Discuter sur les forums aide à progresser, à faire des rencontres, des amis. J’y retrouve l’esprit de partage technique que mes parents ont connu dans les Ceta à leur époque. »

Coûts du maïs vs herbe pâturée

 

1 ha de maïs

1 ha d’herbe

Prestation semis

Engrais

Engrais starter

Semences

Désherbage

Prestation récolte

Fermage

47 €

80 €

80 €

170 €

60 €

200 €

180 €

 

120 €

 

25 €

10 €

 

180 €

Total (hors fermage)

637 € (hors travail du sol et fumure)

  155 €

 

Tourteaux de colza

Production /VL/j

Taux

 

Coûts additionnels

 

 En hiver :

5 kg/VL

28 kg de lait/VL

TB 40 ; TP 34,5

 

frais et temps de distribution, de paillage, manutention et épandage des déjections, …

 Au printemps :

1 kg/VL

26 kg de lait/VL

TB 38,5 ; TP 32,5

 

Clôtures et abreuvoirs ;

Emmener/ramener les vaches paître.

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