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« Il y a 20 ans, il n'y avait rien, à peine une cabane sans toilette », se souvient Dimitar. Difficile d'imaginer que sa ferme de moins de 10 ha, qui parvenait péniblement à faire vivre sa famille, serait aujourd'hui une exploitation de 4 300 ha de céréales et d'oléoprotéagineux, destinés à l'export essentiellement, et dont les rendements ont doublé en 15 ans. Ni qu'elle se serait diversifiée pour 50 % de son assolement dans la luzerne, déshydratée dans l'usine ADJ Agro Ltd, créée en 2017 avec son fils Andrei.
Une croissance considérable, comme celle réalisée par quelques agriculteurs bulgares après la chute du mur de Berlin et le démantèlement de l'URSS, via la privatisation et redistribution des terres qui s'en est suivie. « En 2000, le foncier valait à peine 300 €/ha. Maintenant, c'est 6 000 € ! », lance Dimitar. Ainsi, de petites structures de quelques ares, commercialisant les produits de leur jardin en vente directe, sont devenues de grosses entreprises permettant, à la fois, de nourrir leurs concitoyens et d'exporter au départ des ports de la mer Noire. « Ne pouvant pas compter sur la compagnie ferroviaire nationale, nous avons nos propres camions », précise le producteur.
De 300 à 6 000 €/ha en 20 ans !
La luzerne déshydratée est exportée à 95 % dans 16 pays
À l'image d'autres pays de l'Est, la Bulgarie est désormais, en Europe, un producteur de blé de plus en plus présent face à la Russie. « Grâce aux subventions européennes, les agriculteurs ont pu acheter du matériel et des semences. Certains, comme nous, ont gagné beaucoup d'argent, systématiquement réinvesti », reconnaît l'exploitant avant d'ajouter : « Toutes charges confondues, nous produisons du blé à moins de 100 €/t, vendu en 2019 en moyenne 150 €/t avec des rendements optimisés à 80 q/ha et un taux de protéines autour de 12 %. »
Or les Russes ont des coûts 15 à 20 % inférieurs. « Ce n'était pas tenable pour nous », poursuit-il. D'où l'idée d'un nouveau débouché avec la luzerne, issue d'un voyage... en France ! Conquis par ses atouts agronomiques, notamment sa richesse en protéines, et sa rentabilité à long terme reposant sur un coût de production bas, Dimitar consacre 15 millions d'euros à ce projet. ADJ Agro Ltd collecte la production de 25 agriculteurs. Elle est exportée, à 95 %, dans 16 pays, en Asie et au Moyen-Orient principalement. « Prendre des risques ne nous a jamais fait peur d'autant que personne ne nous embête sur des critères écologiques », conclut-il.
Sommaire
Ils font l'agriculture européenne
- Fabrice, Belgique : « Un an sur deux, on perd de l'argent en blé »
- Pavel, République tchèque : « 3 500 ha/250 exploitants/10 M€ CA : transmettre une ferme coopérative »
- Carina, Autriche : « Le risque de surproduction en bio est réel »
- Valentinas, Lituanie : « Exporter bio, les pays baltes au premier rang »
- Joe, Irlande : « L'herbe est notre pétrole »
- Friedel, Allemagne : « Jusqu'à 60 % de mon maïs dans le méthaniseur »
- Laurent, Luxembourg : « Depuis un an déjà, obligé de se passer de glyphosate »
- Annette, Suède : « J'aime mes vaches, mais ça ne m'empêche pas de les manger ! »
- Dimitar, Bulgarie : « De 10 ha en vente directe à 4 300 ha pour l'export »
- Peter, Pays-Bas : « Le bio n'est pas la seule voie »
- Janos, Hongrie : « Ici, pour survivre, il faut 1 000 vaches minimum ! »
- Nicolar, Roumanie : « Pour s'en sortir, il faut être entreprenant ! »
- [Synthèse] De l'Irlande à Bulgarie... - Tour d'Europe de la diversité agricole chez plusieurs de ses agriculteurs