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Acheter moins de tourteaux, c'est possible ? Oui, mais cela demande de réduire la part d’ensilage de maïs plante entière dans la ration. C'est l’un des principaux leviers pour consommer moins de tourteaux et valoriser davantage les fourrages riches en protéines cultivés sur l’exploitation. Un article extrait de Terre-net Magazine n°38 - Septembre 2014.

Combien coûte un kilo de protéines végétales pour nourrir le troupeau ? Tout dépend d’où elles proviennent : 0,90 € environ pour un kilo de protéines issues d’un tourteau de soja brésilien qui a parcouru près de 10.000 km, plutôt 0,70 € pour du tourteau de colza français à 35 % de Mat. Ce prix descend encore avec de la luzerne cultivée à la ferme et atteint des tarifs imbattables avec l’herbe pâturée.

A l’échelle européenne comme à celle de l’exploitation, gagner en indépendance protéique permet de mieux résister aux fluctuations des marchés des matières premières, du lait ou de la viande. Acheter plus ou moins de correcteurs peut devenir un levier intéressant pour adapter ses volumes de production à la conjoncture, notamment avec la suppression des quotas en 2015. Mais le lait "qui rapporte", c’est d’abord celui produit grâce aux fourrages et à la ration de base équilibrée, c’est-à-dire entre 95 et 105 g de Pdie/Ufl, quel que soit le niveau de production.

« L’objectif pour maîtriser le coût alimentaire est de nourrir de façon optimale et pas forcément d’atteindre le maximum de production, rappelle Valérie Brocard de l’Institut de l’élevage. Les systèmes économes se situent autour de 95 g de Pdie/Ufl tandis que ceux à plus fort potentiel de production se rapprocheront de 105 g de Pdie/Ufl. Au-delà, il est fort probable que la marge sur coût alimentaire du lait produit par les concentrés soit négative. »

Concentrer l’énergie

Acheter moins de tourteaux pour produire moins cher, d’accord mais faut-il pour autant renoncer à un haut niveau de performances zootechniques ? Yan Mathioux, nutritionniste indépendant pour le cabinet Bdm d’expertise en ration mélangée, conseille les éleveurs qui souhaitent améliorer leur marge sans rogner sur la production. « On peut avoir des vaches à 10.000 l/an en ne distribuant que 2 ou 3 kg de correcteur azoté par vache et par jour, assure-t-il. Pour cela, il est souvent nécessaire de diminuer la quantité d’ensilage de maïs plante entière. »

"Maintenir les performances zootechniques"

En effet, le maïs fourrage doit obligatoirement être équilibré avec un correcteur azoté. Plus il y a de maïs dans la ration, plus il faut de correcteur, ce qui oblige à acheter près d’un kilo de tourteau pour 10 kg d’ensilage. « Ensilé plante entière, ce fourrage occupe une place importante de la capacité d’ingestion de l’animal et ne concentre que moyennement les rations en énergie (0,92 Ufl/kg) contrairement au maïs grain humide ou aux céréales aplaties par exemple. »

maïs épis

Yan Mathioux, Bdm
Yan Mathioux, nutritionniste indépendant du cabinet Bdm
L’ensilage de maïs épis, généralement broyé puis stocké en boudin ou en silo, présente des intérêts économiques et nutritionnels indéniables. Avec des valeurs énergétiques proches de 1,22 Ufl/kg de MS, il concentre la ration en énergie et libère de la place dans le rumen pour l’herbe et les légumineuses pâturées ou conservées, riches en matière azotée. Attention cependant à l’excès d’amidon dans la ration, source d’acidose. Ajouter 4 à 5 kg d’ensilage de sorgho Bmr permet de limiter les risques : les valeurs en UF et Mat de ce fourrage sont similaires à celles d’un ensilage de maïs plante entière, mais sans amidon.

Réduire la part d’ensilage de maïs nécessite, en général, d’arrêter la complémentation individuelle au Dac en correcteurs azotés pour passer en ration totale mélangée. Même en traite robotisée, baisser les correcteurs azotés à l’auge est envisageable. « Une ration robot n’a pas forcément besoin d’être déséquilibrée en protéines à l’auge. Il suffit souvent d’un peu de céréales pures, distribuées au robot, pour attirer les vaches », fait remarquer Yan Mathioux.

maximum de protéines par hectare

Reste à identifier les sources possibles de protéines sur l’exploitation, via les fourragères pérennes (ray-grass anglais et hybride, festulolium, dactyle, trèfles blanc ou violet, luzerne…), les dérobées (ray-grass d’Italie, trèfle incarnat, colza ou chou fourragers), les autres cultures (protéagineux, méteil) ou en traitant les grains avec de l’urée (voir pages 34 et 35).

La difficulté, pour augmenter la production laitière grâce aux fourrages, est de réussir à les récolter autour de 0,90 Ufl/kg de MS. Il faut aussi maximiser leur ingestion pour que les vaches puissent exprimer leur potentiel de production. « En récoltant les prairies et les dérobées au bon stade, c’est-à-dire en fauchant précocement quitte à perdre un peu en rendement, on peut gagner 4 à 5 points de Mat. Soit une économie de 400 à 500 g de tourteau par vache et par jour selon le niveau d’incorporation de ces fourrages dans la ration. »

La luzerne est sans conteste la culture qui produit le plus de protéines à l’hectare, près de trois fois plus que du soja à 30 q/ha. Selon les coupes, l’ensilage de luzerne dépasse souvent les 20 % de Mat. Ainsi, 2,3 kg de MS de luzerne équivaut à 1 kg de tourteau de soja. Mais encore faut-il bénéficier de conditions pédoclimatiques favorables à cette culture et acquérir le savoir-faire pour bien l’exploiter et la conserver en vue d’obtenir un bon taux de protéines (conservation des feuilles lors du fanage, absence de moisissures dans les foins, enrubannages ou ensilages). En outre, afin de faire face au déficit européen en protéines, les aides Pac allouées à la luzerne ont été revalorisées. De plus, un hectare de luzerne compte pour 0,7 ha de surface d’intérêt écologique (Sie).

Autonomie raisonnée

Néanmoins, l’autonomie protéique n’est pas toujours un gage de rentabilité pour l’élevage. L’équation n’est pas si simple et dépend entre autres des investissements réalisés dans les bâtiments (nombre de places), de la superficie de la ferme, des cours des céréales ou encore du prix du foncier et des aléas météorologiques. Le but n’est pas de "désintensifier" le système, ce qui peut être le risque en cultivant des protéagineux, mais de progresser en autonomie protéique et fourragère à surface égale.

Cela ne signifie pas non plus supprimer totalement les achats d’intrants. « Dans les stratégies avec peu de tourteaux, il faut être à l’affût des opportunités sur les coproduits locaux, comme les drêches de blé ou de brasserie, le corn gluten feed, les déchets de biscuiterie, les vinasses, les mélasses, les tourteaux de tournesol, de lin ou de noisettes… Toutefois, il faut veiller à la stabilité des rations dans le temps et, sur certains coproduits, les bonnes affaires se font de plus en plus rares », admet le nutritionniste.

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Luzerne

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