En septembre 2018, après plusieurs années en classes prépa où ils n'ont pas ménagé leur peine, Sixtine, Romane et Léo accèdent enfin aux « études de leurs rêves pour devenir ingénieurs agronomes ». Mais en pleine remise en cause de l'élevage par les associations antispécistes et plus largement des pratiques agricoles par la société, la multitude d'informations souvent contradictoires qui parviennent aux trois étudiants sèment le doute dans leur esprit.
À cela s'ajoutent les nombreuses interrogations face au « changement climatique » et à la « mondialisation ». Pas question pour autant de changer de voie. Ils décident au contraire de prendre "La route de nos assiettes" pour « voir de leurs propres yeux ce qu'il se passe réellement sur le terrain » et donner du « sens » à leur « futur métier ».
Donner du sens à notre futur métier.
Regarder la vidéo de présentation du projet "Sur la route de nos assiettes", diffusée sur Youtube :
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À la découverte du système alimentaire français
Personne n'est à blâmer.
« On attend de vous de trouver des solutions », leur avaient dit leurs professeurs. Sixtine, Romane et Léo les ont pris au mot, « ressentant une urgence » : que leur « génération soit motrice d'un profond changement dans l'alimentation » pour qu'elle soit « plus respectueuse des hommes et de l'environnement ». Parce qu'ils aiment « aller au fond des choses », ces trois-là se sont bien trouvés. Alors même si l'idée de ce périple pour « comprendre les enjeux et le fonctionnement du système alimentaire français » a d'abord germé dans la tête de Sixtine, ses deux acolytes ont tout de suite été partants.
Choix des filières à explorer et des personnes à interroger, recherche de financements, d'hébergements et de modes de déplacement... un an a été nécessaire pour concrétiser cette belle initiative et créer l'association "Sur la route de nos assiettes", d'autant que les trois jeunes sont en Erasmus aux quatre coins du monde.
Rencontrer tous les intervenants, « du champ à l'assiette »
C'est donc en septembre 2019 qu'ils partent à la découverte, de « notre (leur) pays et de ses habitants » cette fois et surtout « des hommes et les femmes qui nous nourrissent », les agriculteurs et agricultrices ! Ils vont également à la rencontre des différents intervenants « du champ à l'assiette » : coopératives et agro-industries de l'amont et l'aval, grandes surfaces, organismes para-agricoles, politiques, etc.
Connaître les objectifs et contraintes de tous les acteurs de la chaîne alimentaire.
Car ils sont « convaincus que personne n'est à blâmer » et que « le travail de tous doit être mieux compris et valorisé, donc intégré dans leur réflexion ». « Nous désirons mieux connaître la diversité des modes de production, de transformation et de commercialisation », insistent-ils. Alors les trois étudiants ne se contentent pas d'échanges superficiels : ils veulent connaître le « quotidien » des acteurs de la chaîne alimentaire, « leurs objectifs et leurs contraintes ».
Le départ de ce Tour de France de l'agriculture et de l'alimentation qui doit durer un an :
Et le premier point d'étape, en quelques chiffres, au bout d'un mois :
Trois objectifs : comprendre, partager, agir
Le moyen de locomotion choisi, le vélo (et ponctuellement le train pour changer de département), est à la fois « cohérent » avec le projet et « économique ». En plus, il permettra aux jeunes de « prendre du recul sur tout ce que nous (ils) verrons. » « Nous tenions à vivre cette aventure de manière simple et vraie », précisent les jeunes. Donc, pour logement, c'est sous tente ou chez l'habitant. Le financement (13 000 €), lui, se compose de fonds personnels (2 400 €), de dotations obtenues notamment suite à des concours (7 600 €) et d'un appel aux dons sur la plateforme de crowdfunding Helloasso (5 000 € : 1 800 pour les déplacements, 1 700 € pour l'alimentation et 1 500 € pour l'hébergement).
Les contreparties proposées par les jeunes sont plutôt originales : le nom des donateurs mentionné dans une des vidéos tournées par Léo (c'est lui l'expert des nouvelles technos dans le trio, Romane étant la pro de l'organisation et Sixtine de la communication), la possibilité de suivre en direct une interview ou le trajet de leur aliment préféré, ou encore un défi réalisé par les trois amis, un coup à boire avec eux, une carte postale ou un gros câlin de leur part. Une fois toute la logistique finalisée, ces derniers prennent d'abord la direction du sud-ouest de la France, puis poursuivent vers le nord-ouest.
« Informer les Français de façon objective et ludique »
L'autre objectif de leur "road trip" étant de partager leur expérience et leurs impressions avec le plus de monde possible, ils postent régulièrement des messages et des vidéos sur les réseaux sociaux, sur Instagram (@surlaroutedenosassiettes), sur leur page Facebook et sur leur chaîne Youtube. Ils ont aussi créé le site internet surlaroutedenosassiettes.fr, dans lequel ils se présentent, expliquent leur initiative et mettent en avant les personnes rencontrées grâce à une galerie de portraits (photos et éléments clés).
Sans accuser ni prôner aucun système.
Il s'agit « d'informer les Français déconnectés de leur alimentation » de façon « objective » et de leur « donner des clés de réflexion » « au-delà des idées reçues et des opinions en n'accusant ni ne prônant aucun système », détaillent les étudiants. Grâce à leur web-série qui se veut « ludique et pédagogique », chacun peut suivre leur voyage, savoir où ils en sont, ce qu'ils ont observé, etc.
Parmi les rencontres "Sur la route de nos assiettes" :
Une aventure interrompue à cause du covid-19
Le 13 mars dernier, les trois amis doivent cependant interrompre brutalement leur Tour de France à vélo suite à la crise sanitaire du covid-19. En six mois, ils ont malgré tout parcouru 1 400 km, découvert comment sont produits une quinzaine d'aliments, rencontré une quarantaine d'acteurs de leur chaîne de production et interviewé une trentaine d'entre eux. Heureusement, il leur reste encore quelques photos et films dans leurs smartphones, qu'ils peuvent diffuser pour prolonger l'aventure en attendant de pouvoir la reprendre, destination le nord-est puis le sud-est de notre pays (quatre circuits régionaux de quatre à sept semaines étaient en effet prévus pour en sillonner une grande partie).
Ce voyage nous a transformé profondément pour toujours.
Celle-ci a d'ores-et-déjà répondu à leurs attentes. « Tous nos préconçus et certitudes sur l'agriculture ont disparu. Ainsi, nous pouvons réfléchir différemment le futur de notre alimentation, se réjouissent Sixtine, Romane et Léo. Peu à peu, nous réalisons que notre aventure est avant tout humaine et qu’elle va nous transformer profondément et pour toujours… Chaque rencontre est remplie d’émotion, de remise en question mais surtout d’espoir. Bien que toutes nous chamboulent, nous apprenons énormément chaque jour et sommes certains de pédaler dans la bonne direction ! »