« Il faut accompagner les agriculteurs qui vont réduire leurs volumes, parce que personne n'avait prévu le coronavirus, personne n'avait prévu cette pandémie et les conséquences de perturbation des marchés que nous connaissons », a déclaré la présidente de la FNSEA Christiane Lambert sur France Inter vendredi.
« Nous avons fait une proposition de régulation pour encourager les producteurs à réduire de 2 à 5 % leur volume sur la période de pic de production » a-t-elle dit, alors que l'Europe croule sous le lait et que les cours chutent depuis le début de la crise du coronavirus qui a entraîné la fermeture de quasiment tous les restaurants en Europe, et perturbé les marchés export.
Selon elle, la régulation devrait aussi s'appliquer à d'autres secteurs comme les producteurs de canards ou de pommes de terre, qui « ne vendent plus rien » depuis la crise.
« Personne ne fait de frites à la maison » a relevé Christiane Lambert. Depuis la fermeture des fast-food notamment, « les producteurs de pommes de terre ont des tonnes de pommes de terre sur les bras », a-t-elle lancé. Revenant au lait, elle a rappelé que « l'Europe a fait le choix en 2014 de supprimer les quotas laitiers ». « C'est un choix européen, la France a été le dernier pays à résister, nous, nous voulions garder la régulation », a-t-elle dit.
« On ne peut pas être fermés à l'exportation », a-t-elle dit. « La France exporte du lait et continuera à exporter du lait parce qu'il y a un marché » a-t-elle ajouté en citant la poudre de lait en Chine, et les produits laitiers dans les pays « du bord de Méditerranée » qui « ne peuvent pas les produire chez eux ».
La Coordination rurale, deuxième organisation représentative, s'est déclarée d'accord vendredi pour une régulation des marchés, « à condition qu'il y ait d'abord une transparence sur la réalité des stocks et des besoins des industriels laitiers avant même l'ouverture du programme de régulation » et que la réduction soit appliquée « dans toute l'Europe ».
« Nous sommes dans une crise structurelle depuis la levée des quotas laitiers européens en 2014-15 et pas uniquement dans une crise liée au coronavirus, il faut assainir le marché une bonne fois pour toutes et pour cela on a besoin de transparence», a déclaré à l'AFP Véronique Le Floc'h, secrétaire générale du syndicat. «S'il faut diminuer la production, il faudra la réduire au minimum de 2 à 3%» a-t-elle estimé.
De son côté, la Confédération paysanne, 3e syndicat de la profession, est favorable à une baisse obligatoire de la production du lait de 8 à 10 %, a-t-elle souligné lors d'une conférence de presse vendredi. « On est bien conscients que pour les paysans c'est un sacrifice, mais on pense que c'est la seule solution pour ne pas que le marché s'effondre complètement dans les mois qui viennent », a déclaré Denis Perreau, secrétaire national de l'organisation apparentée à gauche.
« Réduisons aujourd'hui pour pouvoir exister demain », a insisté le porte-parole de la Confédération paysanne Nicolas Girod, aussi soucieux de limiter le nombre de producteurs obligés, faute de débouchés, de jeter du lait ou des fromages.
Les surplus de lait interviennent au moment du pic annuel de production laitière dans toute l'Europe. En mars-avril, la pousse de l'herbe et les naissances de veaux induisent chaque année une hausse des volumes de lait (+ 9 % en France, NDLR). Christiane Lambert a néanmoins défendu les exportations. La France exporte 40 % de son lait.
De son côté, le ministre de l'Agriculture Didier Guillaume a plutôt évoqué jusqu'à présent une demande d'aide à l'Europe pour favoriser le stockage privé de la poudre de lait excédentaire, sans parler d'imposition d'une limitation de production à l'échelle européenne.