Les enjeux de bien préparer la venue d'un ou d'une salarié(e) sont multiples : juridiques, liés à la sécurité au travail, techniques et humains.(©Monkey Businees, Fotolia)
Si pour Guillaume Crublet, animateur "santé et sécurité du travail" depuis trois ans au sein de Sdaéc-Terraliance (cf. encadré ci-dessous), « le recrutement et la fidélisation des salariés est un enjeu croissant en agriculture, et notamment en élevage, leur santé et sécurité au travail en est aussi un très important. Et même plusieurs à la fois » ! Car, insiste-t-il lors d'uns visio-conférence organisée dans le cadre de l'édition digitale du Space 2020, « les accidents dans les exploitations agricoles sont encore trop fréquents, et trop souvent graves voire mortels ».
- Structure réunissant deux groupements d'employeurs, avec une mission de service de remplacement (Sdaéc) et de travail en temps partagé (Terralliance).
- Située dans l'Ille-et-Vilaine, les Côtes-d'Armor et le Finistère
- 330 salariés équivalents temps plein mis à disposition de 6 000 agriculteurs adhérents
accueil et suivi des employés : 4 objectifs
1- Humains via la prévention :
- des accidents du travail,
- des maladies professionnelles
- des troubles psycho-sociaux
Et la limitation de leur gravité s'ils surviennent malgré tout.
2- Juridiques concernant l'employeur pour des questions de :
- responsabilité civile et faute inexcusable
- responsabilité pénale (amende, peine de prison)
- prud'homales (temps et conditions de travail)
3- Relationnels, liés aux ressources humaines, pour :
- poser tout de suite des bases claires
- susciter la confiance du salarié
- faire qu'il apprécie son travail et se sente bien
Ce sera alors plus facile de le fidéliser, fait remarquer Guillaume Crublet.
4- Techniques, pour que la main-d'œuvre :
- travaille bien et efficacement
- soit impliquée
Les obligations avant le premier jour sur la ferme
Beaucoup d'obligations sont d'ailleurs inscrites dans le code du travail.
1- En termes de documentation :
- rédiger/mettre à jour/afficher le Duer ( document unique d'évaluation des risques)
Le Duer permet de lister les risques professionnels, les mesures de préventions existantes et le plan d'action à déployer pour les limiter encore davantage, précise le conseiller.
- réaliser les affichages obligatoires : numéros d'urgence et de l'inspection du travail, modalités de consultation du Duer, nom de la convention collective, textes de loi essentiels
- mettre à disposition les notices :
- de sécurité des produits chimiques (phytos)
- des médicaments vétérinaires
- d'utilisation des machines
Même si le salarié n'est pas novice, il ne connaît pas toutes les substances, ni tous les équipements utilisés en agriculture, ni tous les risques qu'il peut encourir, explique Guillaume.
- élaborer un règlement intérieur
Il n'est pas obligatoire mais il permet de regrouper l'ensemble des règles de fonctionnement de l'entreprise, détaille-t-il.
- déterminer un protocole de consignes, surtout utile pour :
- les exploitants faisant régulièrement appel aux services de remplacement, avec des salariés qui changent souvent,
- les employés de ces organismes qui doivent remplacer des producteurs accidentés du jour au lendemain, afin réduire le stress, les risques d'erreur et de blessure.
2- Au niveau des équipements, il faut prévoir :
- des extincteurs (dans l'atelier pour les soudures, dans les batteuses contre les feux de moisson, etc.)
- une trousse de premier secours (si le salarié se blesse même légèrement pour empêcher que cela ne s'infecte)
- un kit Covid-19 (masques, gel hydroalcoolique, rappel écrit des préconisations...)
- éventuellement un téléphone portable (si l'agriculteur ne souhaite pas que ses employés se servent de leur mobile pour éviter les communications personnelles pendant le travail ou la prise de photos ou de vidéos de l'exploitation). Le modèle peut être très basique.
En cas d'accident, le salarié pourra téléphoner aux secours ou à toute autre personne susceptible de lui venir en aide, appuie le spécialiste.
- un contrôle régulier des engins de levage, du réseau électrique...
3- En matière d'hygiène et de propreté, il s'agit :
- d'aménager des vestiaires
- d'installer des toilettes et douches (si la maison d'habitation est située sur la ferme, cette dernière peut ne pas en être équipée au départ et l'exploitant ne pas être favorable à ce que son nouveau salarié pénètre chez lui)
- de ranger les bâtiments et la cour (particulièrement l'atelier et les zones de circulation)
- de veiller à l'état général des lieux (pour prévenir les chutes et glissades même sans gravité)
4- Sur le plan de l'organisation du travail en :
- définissant les rôles de chacun dans l'équipe
- répartissant les tâches pénibles
Se décharger du travail d'astreinte ou dur physiquement sur ses employés n'est bon ni pour leur santé/sécurité, ni pour leur sentiment de reconnaissance. Mieux vaut réfléchir au moyen de diminuer leur pénibilité, met en garde Guillaume Crublet.
- spécifiant les compétences attendues
- désignant un tuteur/référent qui accompagne le salarié (cela peut être un collègue plus ancien dans l'entreprise)
- fixant quelques règles d'or comme l'a fait par exemple Sdaéc-Terraliance
- Mettre la ceinture de sécurité dans tout engin agricole (les accidents de la route dans des véhicules agricoles sont la première cause de mortalité des agriculteurs, or le port de la ceinture est loin d'être un réflexe pour tous)
- Respecter les limitations de vitesse
- Ne pas téléphoner au volant
- S'arrêter dès qu'on ressent une trop grande fatigue (d'autant que l'amplitude horaire et la charge de travail peuvent être conséquentes lors de certains travaux comme la moisson, les ensilages...)
- Arrêter toute source d'énergie avant une intervention sur une machine, le réseau électrique... (par exemple : toujours enlever la clé de contact du tracteur quant on attelle/dételle ou règle un outil)
- Ne prendre ni alcool (encore une cause fréquente d'accident aujourd'hui et s'il y a eu consommation sur le lieu de travail, la responsabilité juridique de l'employeur sera engagée), ni drogue
- Exercer son droit de retrait lorsqu'on se sent en danger
- Ne pas intervenir dans les silos à grains ou d'aliments (risques liés à la poussière, à l'enfouissement...), les fosses à lisier (risque d'émanations toxiques, d'enfouissement), ni sur les toits (d'ailleurs, les services de remplacement sont souvent sollicités parce que des agriculteurs en sont tombés) ou en montant dans le godet du tracteur sans protection (il existe des nacelles), ou encore près d'un cardan en rotation non protégé
- Ne pas se faire transporter sur le marchepied du tracteur (beaucoup disposent maintenant d'un siège passager) ou du télescopique (risque de chute ou de projection de cailloux)
Et une fois le salarié sur l'exploitation ?
1- Imaginer un parcours d'intégration avec :
- un accueil à un moment opportun (pas lorsqu'on est surchargé de travail)
- une présentation de la ferme (visite), de son fonctionnement (notamment des horaires, temps de repos...), des autres employés et des missions de chacun
- une explication des attentes envers le nouveau salarié
- un débriefing à la fin de la première journée pour connaître ses ressentis et initier de bonnes habitudes en termes de communication
Attention, la première impression est souvent déterminante pour l'image de l'agriculteur et de son exploitation, la relation future employeur/employé, l'épanouissement de celui-ci et sa pérennité dans son poste, alerte l'expert.
2- Lui fournir des équipements de protection individuelle (EPI) (vêtements de travail, chaussures de sécurité, gants, lunettes, casque antibruit, visières, etc.)
C'est obligatoire dans le code du travail, rappelle Guillaume.
3- Vérifier son aptitude médicale (certificat délivré après visite auprès de la médecine du travail, avec mentions spécifiques pour la conduite d'engins de levage, le travail en hauteur)
4- Assurer sa formation :
- en particulier sur la santé et sécurité au travail (lecture et signature du Duer, utilisation des machines, réalisation de tâches spécifiques)
- puis selon les besoins du salarié pour le faire monter en compétence (formation par l'employeur lui-même ou un organisme extérieur)
- en évaluant les apports (grille de compétence à remplir par le tuteur)
- en gardant une trace écrite comme preuve
5- Effectuer des entretiens réguliers : au bout d'une semaine, à la fin de la période d'essai, puis au moins une fois par an voire par trimestre